par Dahlia Nehme et Suleiman Al-Khalidi
BEYROUTH/AMMAN (Reuters) - Donald Trump a promis dimanche de faire payer "le prix fort" pour le bombardement chimique qui a fait plusieurs dizaines de morts à Douma, ville de la Ghouta orientale tenue par les rebelles et assiégée par les forces syriennes, selon des ONG et des secouristes.
L'Union européenne a évoqué pour sa part des preuves témoignant d'une nouvelle attaque chimique de la part du régime syrien et demandé une réaction internationale.
A Paris, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a exprimé son "extrême préoccupation devant les informations faisant état d'un nouvel usage d’armes chimiques particulièrement violentes" et a indiqué que la France assumerait "toutes ses responsabilités au titre de la lutte contre la prolifération chimique".
Le Conseil de sécurité des Nations unies devrait se réunir ce lundi après-midi pour débattre de ces nouveaux soupçons d'attaque chimique.
Damas a nié tout recours à des armes chimiques de la part de ses forces et la Russie parlé d'informations fabriquées de toutes pièces. Le ministère russe des Affaires étrangères a prévenu que toute opération militaire ordonnée sur la base de ces "prétextes inventés et fabriqués" entraînerait de graves conséquences.
L'Iran, autre allié du régime de Bachar al Assad, a estimé pareillement via son ministère des Affaires étrangères que les informations faisant état d'une attaque au gaz étaient infondées et qu'elles visaient à fournir un "prétexte" à une action militaire contre Damas.
Dans un communiqué conjoint, la Syrian American Medical Society (SAMS), une organisation médicale, et la Protection civile syrienne, active dans les zones tenues par les insurgés, font état de 49 morts dans le bombardement de samedi soir. D'autres sources avancent un bilan beaucoup plus lourd.
"ASSAD L'ANIMAL"
"Beaucoup de morts, dont des femmes et des enfants, dans une attaque CHIMIQUE insensée en Syrie. La zone des atrocités est bouclée et encerclée par l'armée syrienne, ce qui la rend inaccessible au monde extérieur", a commenté Trump sur Twitter (NYSE:TWTR).
"Le président Poutine, la Russie et l'Iran sont responsables de leur soutien à Assad l'animal. Le prix fort sera payé", a ajouté le président américaine.
Il y a un an, trois jours après le bombardement au gaz sarin du 4 avril 2017 imputé aux forces gouvernementales à Khan Cheikhoun, dans le nord-ouest de la Syrie, l'armée américaine avait tiré une salve de missiles Tomahawks de croisière en direction d'une base aérienne.
Il s'agissait de la première action militaire directe des Etats-Unis contre le régime de Bachar al Assad.
Aucune option n'est exclue, a indiqué dimanche un des principaux conseillers de la Maison blanche à la sécurité intérieure, au sujet de Douma. "Je laisserais tout sur la table", a déclaré Thomas Bossert sur l'antenne d'ABC News. "A ce stade, nous étudions l'attaque", a-t-il poursuivi, jugeant "horribles" les photos qui auraient été prises après le bombardement.
Une vidéo diffusée par les rebelles sur les réseaux sociaux montre les corps d'une douzaine d'enfants, de femmes et d'hommes dont certains ont l'écume aux lèvres. "Douma, 7 avril (...) Il y a une forte odeur ici", dit quelqu'un dans cet enregistrement dont l'authenticité est invérifiable.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), dont le siège se trouve à Londres mais qui s'appuie sur un réseau d'informateurs locaux, dit ne pas être en mesure de confirmer le recours à des armes chimiques à Douma. Son directeur a fait état de 11 décès dus à la fumée des bombardements.
La SAMS assure en revanche qu'une bombe au chlore a fait six morts à dans un hôpital de la ville et qu'une autre contenant un agent neurotoxique s'est abattue sur un bâtiment voisin.
Interrogé par Reuters, Basel Termanini, vice-président de l'organisation dont le siège se trouve aux Etats-Unis, a parlé de 35 morts dans ce bâtiment. Il s'agit essentiellement de femmes et d'enfants, a-t-il souligné.
Dans leur communiqué conjoint, la SAMS et la protection civile disent avoir pris en charge un demi-millier de personnes victimes de difficultés respiratoires et dégageant une odeur de chlore.
Taoufik Chamaa, un médecin syrien de l'Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) basé à Genève a fait état de 150 morts.
Pour la presse syrienne, les rebelles cherchent avec ces accusations à retarder la reconquête inéluctable de Douma.
"Les terroristes du Djaïch al Islam sont en déroute et leurs organes de communication parlent à nouveau d'attaques à l'arme chimique fabriquées de toutes pièces pour tenter en vain d'enrayer la progression de l'armée syrienne", écrit l'agence de presse officielle SANA.
ACCORD EN VUE DE L'ÉVACUATION DES REBELLES
Dans le même temps, les rebelles du Djaïch al Islam qui tiennent encore Douma ont accepté dimanche de quitter la ville aux termes d'un accord négocié avec les Russes, a-t-on confirmé dimanche auprès de plusieurs sources locales impliquées dans la négociation.
L'accord engageant les combattants du Djaïch al Islam avait été annoncé dans la journée par la télévision syrienne, citant une source officielle.
Les combattants du Djaïch al Islam partiront dans les 48 heures pour Djarablous, ville du nord du pays située dans la zone frontalière de la Turquie, précisait la télévision syrienne. L'accord prévoit aussi une immunité aux rebelles qui choisiront de rester sur place mais feront la paix avec les autorités syriennes, ont précisé les sources locales interrogées par Reuters.
Le mouvement rebelle n'a ni confirmé ni démenti l'information.
D'après Rami Abdoulrahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), le Djaïch détient 3.500 prisonniers et otages à Douma. Cinq ont été libérés mercredi après le départ d'un groupe de rebelles.
Ceux qui se trouvent toujours à Douma vont quitter la ville en deux temps dans les heures qui viennent, croit savoir l'agence de presse russe RIA.
(Dahlia Nehme et Tom Perry à Beyrouth et Suleiman al-Khalidi à Amman; avec Roberta Rampton, Patrick Rucker et Tim Ahmann à Washington, Mustafa Hashem au Caire, Stephanie Nebehay à Genève et Polina Ivanova à Moscou; Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)