par Aditya Kalra
NEW DELHI (Reuters) - Les autorités indiennes ont révoqué lundi le statut d'autonomie dont bénéficiait jusque là le territoire du Cachemire, région majoritairement peuplée de musulmans et dont la souveraineté est en partie revendiquée par le Pakistan voisin.
Les accès à internet et à la téléphonie ont été coupés et plusieurs dirigeants locaux assignés à résidence.
"La Constitution s'appliquera intégralement dans le Jammu-et-Cachemire", a annoncé le ministre indien de l'Intérieur Amit Shah, privant l'Etat du nord de l'Inde du droit d'élaborer ses propres lois.
Cette décision a aussi pour conséquence d'abolir un dispositif qui interdisait tout achat de foncier dans le Cachemire aux personnes qui n'en sont pas originaires.
Dans un communiqué, les autorités pakistanaises ont condamné la décision du gouvernement indien, qualifée "d'illégale", et ont prévenu qu'elles emploieraient "tous les moyens" pour la dénoncer.
"Partie prenante de ce contentieux international, le Pakistan emploiera tous les moyens possibles pour contrer cette démarche illégale", a dit le ministère pakistanais des Affaires étrangères.
De nombreux responsables locaux avaient mis en garde les autorités de New Delhi contre leur volonté de supprimer le statut d'autonomie spécial en vigueur dans le Cachemire, disant redouter de nouvelles violences.
Mais le Premier ministre indien Narendra Modi et son parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP), reconduits au pouvoir aux législatives de mai dernier, militaient de longue date pour un changement radical dans le territoire, jugeant que son autonomie nuisait à son intégration au reste de l'Inde.
LES FORCES DE SÉCURITÉ EN ÉTAT D'ALERTE MAXIMUM
Aux premières heures du jour, les autorités indiennes ont annoncé que la liberté de circulation y serait restreinte et tous les établissements scolaires à Srinagar, la principale ville du pays, ont été fermés.
Certains dirigeants locaux ont par ailleurs écrit sur Twitter (NYSE:TWTR) qu'ils avaient été assignés à résidence tandis que d'autres disaient leur crainte d'être arrêtés avant que l'accès à internet soit coupé.
"Cette journée est l'une des plus sombres dans l'histoire dans la démocratie indienne. Elle aura des conséquences catastrophiques pour le sous-continent", a commenté Mehbooba Mufti, ancienne ministre en chef du Jammu-et-Cachemire, qui a été assignée à résidence.
Les habitants ont largement déserté les rues de Srinagar, a rapporté un photographe de Reuters qui a pu joindre le bureau de New Delhi par téléphone dans un restaurant proche de l'aéroport de la ville.
Il a également fait état d'un déploiement important des forces de sécurité, qui ont été placées en état d'alerte maximum, mais n'a pas signalé d'incidents ou de manifestations.
A New Delhi, un haut responsable du gouvernement a déclaré que ces restrictions avaient été ordonnées par mesure de précaution et qu'un retour à la normale interviendrait rapidement.
Le Cachemire est touché depuis la partition de 1947 par une vague interrompue de violences imputables notamment aux revendications territoriales du Pakistan et à l'insurrection de séparatistes musulmans, qui ont fait des dizaines de milliers de victimes.
Deux des trois guerres que se sont livrées les deux Etats voisins, qui appartiennent depuis vingt ans au club des puissances nucléaires, ont trouvé leur origine dans la question du Cachemire.
Les tensions s'y sont encore ravivées vendredi lorsque les autorités indiennes ont lancé un appel à la vigilance contre d'éventuels actes terroristes planifiés par des insurgés que New Delhi accuse d'être soutenus par Islamabad, ce que le Pakistan dément.
La mise en garde a conduit des milliers de personnes, des touristes et des pèlerins notamment, à quitter l'Etat précipitamment.
(avec Sanjeev Miglani et Danish Ismail à Srinagar; Nicolas Delame et Henri-Pierre André pour le service français)