par Alister Doyle et Valerie Volcovici
LIMA (Reuters) - Faute d'avancée majeure à la conférence de Lima sur le climat, les regards se tournent déjà vers le sommet prévu dans un an à Paris, sans aucune garantie d'y voir émerger un traité mondial susceptible d'enrayer le réchauffement climatique.
Au mieux, la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques permettra de revoir le fonctionnement des discussions annuelles de l'Onu et de dégager des pistes pour développer des mesures susceptibles de réduire sur la durée les émissions de gaz à effet de serre.
Au terme de négociations marathon qui se sont achevées après une prolongation d'une trentaine d'heures, les représentants des 190 participants à la Cop-20 de Lima ont approuvé quelques éléments de base d'un futur traité mondial sur le climat qui devra être conclu à la conférence de Paris.
La déception des organisations de défense de l'environnement a été à la hauteur de leurs attentes, elles qui espéraient conserver l'élan donné par l'annonce par les Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne d'objectifs concrets de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
FRACTURES
Ces espoirs se sont heurtés aux lignes de fracture traditionnelles entre pays riches et pauvres, que ce soit sur le partage de la responsabilité de la réduction des émissions des gaz à effet de serre, le droit de regard des uns et des autres sur le respect des objectifs, ou encore la contribution financière que doivent verser les pays développés dans les prochaines années.
"Les annonces des Etats-Unis et de la Chine ont donné une impulsion cruciale pour mettre pays développés et pays en développement sur un pied d'égalité. Il n'est donc pas surprenant qu'à Lima, beaucoup de pays en développement aient mis un coup de frein", explique Elliot Diringer, du Center for Climate and Energy Solutions (C2ES), une ONG américaine.
Les Nations unies estiment qu'il est déjà évident que les engagements en matière de réduction des émissions au sommet de Paris ne suffiront pas pour atteindre l'objectif affiché, à savoir limiter le réchauffement à 2° Celsius au-dessus de la température moyenne de l'ère pré-industrielle.
"Il restera beaucoup à faire à Paris l'an prochain", a reconnu le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Le compromis de Lima "contient aussi les prémices de l'accord de Paris. Cet accord, qui demandera encore un travail important et délicat, devra apporter des réponses concrètes pour lutter contre le dérèglement climatique, notamment en faveur des pays les plus vulnérables", a-t-il dit dans un communiqué publié dimanche.
Certains gardent toutefois l'espoir de voir la conférence de Paris servir de tremplin à une refonte du système onusien de lutte contre le réchauffement climatique et permette d'effectuer une transition entre l'ère de la diplomatie et celle, plus technocratique, de la prise d'engagements susceptibles d'être évalués et comparés.
DÉFICIT D'AUTORITÉ
Yvo de Boer, ancien responsable du climat à l'Onu et actuel chef de l'institut Global Green Growth d'aide aux pays en développement, souligne que le principal problème des négociateurs de l'Onu réside dans leur déficit d'autorité. "Si les dirigeants du G20 se réunissaient et disaient 'mettons-nous au travail', tout serait résolu en une demi-heure", a-t-il déclaré à Reuters.
Il souligne que les négociations annuelles ont pris une envergure démesurée depuis la première réunion à laquelle 1.000 délégués étaient présents contre plus de 11.000 à Lima.
"Paris pourrait être l'occasion de changer cela, si les contours du travail à effectuer sont dessinés. Cela pourrait permettre de passer à un processus technique et non plus un processus politique."
Il y a cependant peu de signes qui laissent entrevoir une telle issue.
L'accord de Lima invite les pays participants à présenter au début de l'année prochaine - avant une date butoir informelle au 31 mars - leurs propres plans nationaux de lutte contre le réchauffement climatique. Les Européens souhaitaient définir des objectifs chiffrés, une idée qui s'est heurtée à l'opposition de la Chine.
Le texte prévoit que ces plans "puissent comprendre" un certain nombre de détails, des objectifs annuels par exemple, alors qu'un projet précédent suggéraient qu'ils "devraient comprendre" de tels détails.
Il n'a pas effacé la distinction entre pays pauvres et pays riches chargés de donner l'exemple, conformément à ce que souhaitait l'Inde, tout en fixant comme objectif la collecte de 100 milliards de dollars par an de fonds privés et publics pour aider les pays les plus pauvres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à faire face aux conséquences des catastrophes climatiques.
Au final, les discussions de Paris pourraient aboutir à une compilation de propositions nationales de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, et ce alors que l'année 2014 pourrait s'avérer être la plus chaude jamais enregistrée.
Certains observateurs, rompus aux négociations climatiques, estiment que le résultat de la conférence de Lima prouve que le système de négociations multilatérales est inefficace pour lutter contre le réchauffement climatique, soulignant que les municipalités ou les entreprises sont parfois plus volontaristes.
(Nicolas Delame pour le service français)