par John Irish et Margaryta Chornokondratenko
PARIS (Reuters) - Les présidents russe et ukrainien ont convenu de procéder d'ici la fin de l'année à l'échange de l'ensemble des personnes faites prisonnières dans le cadre du conflit dans l'est de l'Ukraine, laissant de côté les questions sur le statut du Donbass, qui doit faire l'objet de nouvelles discussions.
Réunis lundi à Paris pour une réunion en "format Normandie" sur l'Ukraine, la première depuis 2016, Vladimir Poutine et Volodimir Zelenski ont pris part à neuf heures de discussions sous l'égide du président français Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel.
Il s'agissait de la première rencontre entre Poutine et Zelenski, ancien comédien qui a remporté cette année l'élection présidentielle ukrainienne en promettant de résoudre le conflit dans l'est du pays.
Aucune poignée de mains publique n'a été échangée entre les deux dirigeants, qui ont évité les contacts visuels.
Mais les échanges ont permis d'aboutir à des engagements spécifiques, avec un communiqué final annonçant l'échange de prisonniers et la promesse de mettre en oeuvre avant la fin de l'année le cessez-le-feu conclu dans le cadre des accords de Minsk en 2014.
Les parties prenantes au sommet ont aussi annoncé avoir convenu de travailler, lors des quatre prochains mois, à la tenue d'élections locales au Donbass - un point d'achoppement majeur jusqu'alors. Aucun détail n'a cependant été donné sur l'organisation du scrutin, et Emmanuel Macron a admis que des divergences subsistaient sur la question.
"Nous avons accompli des progrès sur le désengagement, l'échange de prisonniers, la clarification du cessez-le-feu, un agenda de confiance sur les évolutions politiques des prochains mois", a déclaré le président français lors d'une conférence de presse commune, durant laquelle la chancelière allemande et lui étaient assis entre Poutine et Zelenski.
Emmanuel Macron a ajouté que les dirigeants avaient demandé à leur ministres de travailler durant les quatre prochains mois sur les "conditions sécuritaires et politiques" de l'organisation d'élections locales.
Quelque 13.000 personnes ont été tuées depuis le printemps 2014 dans le conflit qui oppose dans l'est de l'Ukraine les forces ukrainiennes à des combattants séparatistes pro-russes à la suite de l'annexion de la Crimée par la Russie.
PAIX INCERTAINE
Zelenski a déclaré avoir convenu avec Poutine des contours d'un accord qui permettrait la poursuite du transit du gaz naturel russe en territoire ukrainien, sans donner de précisions. Un membre de la délégation russe a indiqué que des représentants avaient reçu pour consigne d'en rédiger les détails.
Cependant aucun accord définitif n'a été conclu sur les questions politiques qui font obstacle à une résolution du conflit: le statut du Donbass et le contrôle de facto de la frontière entre cette région et la Russie.
Il a été convenu d'organiser sous quatre mois un nouveau sommet en "format Normandie".
Conclus en 2015 pour régler le conflit, les accords de Minsk sont en grande partie restés lettre morte en dépit des efforts déployés par l'Allemagne et la France.
De nombreux Ukrainiens s'inquiètent d'un possible compromis avec la Russie, qu'ils continuent de voir comme un "agresseur", cinq ans après l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par Moscou - annexion jugée illégale par la communauté internationale.
Réunis devant le palais présidentiel à Kiev, les manifestants qui avaient exhorté Zelenski à ne pas capituler face à Poutine ont assisté sur un écran géant à la diffusion de la conférence de presse de clôture du sommet.
Zelenski a déclaré lors de la conférence de presse qu'il n'avait rien cédé à propos de la souveraineté de l'Ukraine et son intégrité territoriale. Il a ajouté que Poutine et lui-même s'étaient opposés sur plusieurs questions.
Le président russe, pour sa part, ne veut pas donner l'impression de fléchir face aux pressions externes sur la question de l'est de l'Ukraine et laisser la population russophone du Donbass à la merci du gouvernement de Kiev.
Poutine a seulement fait part d'un espoir mesuré pour les négociations de paix. "Tout cela nous donne les bases pour supposer que le processus avance dans la bonne direction", a-t-il dit.
(avec Michel Rose à Paris, Paul Carrel à Berlin, Matthias Williams et Natalia Zinets à Kiev; version française Jean Terzian)