par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Si le projet de budget des forces armées françaises pour 2015 est conforme à la loi de programmation militaire, son exécution repose sur des recettes exceptionnelles que le ministère de la Défense s'efforce de garantir par des solutions innovantes.
Les crédits alloués à la Défense par le projet de loi de finances s'élèvent à 31,4 milliards d'euros, hors pensions.
Mais cette enveloppe comprend 2,3 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, dont 2,1 milliards attendus de la cession de la bande de fréquence des 700 Mhz à des opérateurs des télécommunications, le reste venant de ventes immobilières.
La Commission européenne a décidé d'affecter les fréquences de 694 à 790 Mhz aux services mobiles en Europe d'ici 2020.
Le gouvernement français a prévu d'affecter à la Défense le produit de la mise aux enchères de ces fréquences, jusqu'ici utilisées par la télévision numérique terrestre (TNT). Une cession qui pourrait rapporter sur trois ans quelque 3,5 milliards d'euros, dit-on de source gouvernementale.
Les 2,1 milliards d'euros prévus par le budget 2015 ne constitueraient donc qu'une première tranche.
Le gouvernement a lancé la procédure de cession. "Mais nous savons bien que les multiples contraintes techniques, juridiques et internationales liées à ce dossier sont importantes", a admis mercredi le ministre de la Défense lors de la présentation de son budget à la commission de la Défense à l'Assemblée.
"Il nous faut nous prémunir dès maintenant de tout glissement de calendrier", a ajouté Jean-Yves Le Drian, selon le texte de son discours. "C'est pourquoi le gouvernement a parallèlement décidé de mettre en oeuvre dès 2015 des solutions innovantes d'acquisition de matériels militaires."
"SOCIÉTÉS DE PROJET"
Il s'agit notamment d'utiliser le produit de cessions de participations de l'Etat dans des entreprises.
Or la législation française impose à l'Etat d'affecter à son désendettement ou à des investissements dans le capital d'autres entreprises les recettes tirées de ces cessions.
Une solution envisagée est donc de passer par des "sociétés de projet", dans lesquelles l'Etat réinvestirait au côté d'autres investisseurs, y compris privés et appartenant au secteur civil, le produit de ces cessions.
Selon le ministère, il y aurait alors deux variantes se rapprochant l'une et l'autre du "lease-back".
Soit le rachat à la Défense par une telle société d'équipements existants, ce qui génèrerait une rentrée d'argent, les armées continuant à avoir l'usage de ce matériel contre un loyer. Soit l'acquisition par la même société de nouveaux équipements, qui seraient alors loués à la Défense.
"On se donne ainsi la capacité d'étaler nos paiements", explique-t-on au ministère, où l'on précise que cette formule peut n'être que temporaire, "en attendant l'arrivée des produits de cession de la bande fréquence 700 Mhz".
"La mise en oeuvre de ces solutions innovantes doit permettre la mobilisation effective des 5,5 milliards de recettes exceptionnelles inscrites sur la période 2015-2017", a pour sa part déclaré Jean-Yves Le Drian. "L'enjeu essentiel est de garantir la disponibilité des ressources nécessaires pour poursuivre la modernisation de l'équipement des forces armées."
UNE CONSIGNE VENUE D'EN HAUT
Du point de vue des industriels, ce dispositif a pour avantage de garantir le rythme des paiements du ministère et d'assurer ainsi le maintien de leur capacité de production.
Selon le ministre, il permettrait aussi de conforter l'offre à l'exportation de matériels français.
Pour certains équipements - ayant par exemple une nature potentiellement duale, à la fois civile et militaire, comme les avions de transports - cela permet envisager des partenariats public-privés, par exemple avec des sociétés de transport aérien.
Le ministère n'exclut pas non plus la participation de fonds d'investissement, de banques, voire d'investisseurs étrangers.
Mais il privilégie aujourd'hui les sociétés françaises du secteur de l'armement, qui ont tout intérêt à s'assurer ainsi des commandes.
Il travaille depuis un an et demi, en collaboration avec les ministères de l'Economie et des Finances, à cette solution envisagée par la loi de programmation militaire (LPM), précise l'entourage du ministre. Le chef de l'Etat, François Hollande, demande maintenant une mise en oeuvre rapide, ajoute-t-on.
(Edité par Marc Joanny)