PARIS (Reuters) - François Hollande et Manuel Valls ont composé mardi un nouveau gouvernement allégé des ministres qui réclamaient un virage à gauche afin de mettre en oeuvre la politique social-démocrate voulue par l'exécutif dans la "dignité" et la "cohérence".
Le Premier ministre, qui a défendu sur France 2 sa décision de présenter la démission de son premier gouvernement né en mars dernier et les choix faits pour constituer la nouvelle équipe, s'est dit convaincu d'obtenir une majorité à l'Assemblée nationale lors d'un vote de confiance qui aura lieu en septembre ou en octobre.
"Vous verrez, la majorité elle sera là", a-t-il déclaré, balayant le risque posé par les "frondeurs" du Parti socialiste. "Il n'y a pas, sans doute, d'autre politique possible."
Le gouvernement Valls II est marqué par l'arrivée au ministère de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique d'Emmanuel Macron, ancien conseiller économique de François Hollande, en remplacement d'Arnaud Montebourg, qui ne détenait que le portefeuille de l'Economie.
Le "troisième homme" de la présidentielle de 2012 a été forcé au départ après avoir critiqué la politique de réduction des déficits menée par le gouvernement.
"Il y a une seule ligne et les membres du gouvernement ne peuvent pas se donner en spectacle", a dit Manuel Valls en promettant que la nouvelle équipe ferait désormais preuve de "dignité" et de "cohérence" une fois le débat interne terminé.
Il a justifié le choix de l'ancien banquier d'affaires Emmanuel Macron, vivement critiqué par la gauche de la gauche, y compris celle du PS, comme un gage aux politiques "libérales".
"Ça fait des années qu'on crève de débats idéologiques (...) des critiques qui à mon avis sont surannées", a-t-il dit.
DEUX FEMMES PROMUES
Le départ d'Arnaud Montebourg a été suivi lundi par ceux des ministres de l'Education nationale, Benoît Hamon, et de la Culture, Aurélie Fillippetti, deux tenants de l'aile gauche du PS.
Ils sont remplacés respectivement par deux femmes jeunes, Najat Vallaud-Belkacem, qui poursuit à 36 ans une carrière météorique, et par Fleur Pellerin, 41 ans.
Outre Emmanuel Macron, 36 ans, la seule entrée au niveau ministériel dans ce gouvernement, est Patrick Kanner, chargé de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
Du côté des formations alliés du Parti socialiste, la ministre du Logement Sylvia Pinel reste à son poste, de même que les deux secrétaires d'Etat radicaux de gauche.
Le président du PRG, Jean-Michel Baylet, qui ne participera pas lui-même au gouvernement, a annoncé qu'il avait obtenu le maintien des départements ruraux dans la réforme territoriale, condition posée par sa formation à son maintien au gouvernement.
Plusieurs personnalités écologistes, sondées pour participer à la nouvelle équipe malgré le refus de l'appareil des Verts et le départ des ministres EELV du gouvernement en mars dernier, ont renoncé à franchir le pas.
"Les conditions pour la participation d'écologistes ne sont pas réunies", a écrit mardi le sénateur Jean-Vincent Placé sur Twitter, disant souhaiter "la réussite du gouvernement".
Le premier conseil des ministres de la nouvelle équipe aura lieu mercredi, une manière de montrer qu'il n'y a pas de temps à perdre pour mettre en oeuvre le pacte de responsabilité, un ensemble de baisse des charges pour les entreprises, et le programme d'économies de 50 milliards d'euros.
MESURES POUR LE LOGEMENT
Manuel Valls a d'ailleurs déclaré qu'il présenterait "dans 48 heures" les mesures que le gouvernement entend prendre pour relancer la construction de logement, au lendemain de la publication, mercredi, des chiffres du chômage de juillet, qui "seront négatifs avec le niveau de croissance que nous avons".
Il faudra ensuite négocier avec les partenaires européens de la France une nouvelle trajectoire pour la réduction des déficits publics, l'atonie de la croissance rendant impossible d'atteindre l'objectif de ramener les déficits sous la barre des 3% du PIB en 2015, comme la France s'y était engagée.
Les "réformistes" de la majorité ont salué la clarification de la ligne politique du nouveau gouvernement.
Une trentaine de parlementaires socialistes ont créé mardi à Lyon à l'initiative du sénateur-maire de la ville Gérard Collomb et du député parisien Christophe Caresche, un "pôle des réformateurs" pour soutenir un gouvernement "courageux".
"Il ne saurait y avoir deux lignes politiques au sein du gouvernement", ajoutent dans leur manifeste ces députés opposés à une relance par la consommation défendue par Arnaud Montebourg, préférant une rénovation de l'appareil industriel.
Ce remaniement risque de réduire la marge de manoeuvre du gouvernement au Parlement puisque nombre de "frondeurs" du Parti socialiste ont apporté leur soutien à Arnaud Montebourg.
Manuel Valls, qui clôturera dimanche l'université d'été du PS à La Rochelle, pourra à cette occasion mesurer le rapport de forces entre ses soutiens et ses opposants.
Mais d'éventuelles défections à l'Assemblée, où les socialistes sont 290 alors que la majorité absolue est à 289 voix, devraient être compensées par les 17 radicaux de gauche, voire une partie de 18 députés écologistes.
En outre, l'exécutif a des armes pour passer en force, le vote bloqué et l'article 49 de la Constitution, qui engage la responsabilité du gouvernement.
Le premier permet de soumettre au vote un texte en totalité et les seuls amendements déposés ou acceptés par le gouvernement afin d'en accélérer l'examen, même si la navette entre le Sénat et l'Assemblée continue, et éviter de voir un article rejeté.
Mais si l'exécutif juge sa majorité vraiment trop friable, il pourrait céder à la tentation de l'article 49, qui engage la responsabilité, donc la survie du gouvernement, sur un texte.
Depuis 1959, la responsabilité du gouvernement a été engagée à 82 reprises, pour 49 lois. Michel Rocard, Premier ministre socialiste de 1988 à 1991 avec une majorité relative (275 députés), fut le champion du "49.3", qu'il a convoqué 28 fois pour faire adopter 13 textes.
(Sophie Louet, Julien Ponthus et Yves Clarisse, édité par Yves Clarisse)