PARIS (Reuters) - Manuel Valls a prédit mardi la conclusion rapide d'un accord avec les concessionnaires des sociétés d'autoroutes pour financer les infrastructures de transport après l'abandon de l'écotaxe poids lourds face à la révolte des routiers.
Le Premier ministre a rencontré à Matignon les dirigeants de ces sociétés récemment montrées du doigt par l'Autorité de la Concurrence pour leurs bénéfices importants.
"Cette réunion a été utile parce qu'il faut bâtir un partenariat gagnant-gagnant entre l'Etat (et) les sociétés concessionnaires des autoroutes", a dit Manuel Valls.
Il a annoncé des réunions de travail entre les sociétés et les ministères concernés "pour trouver un accord qui soit profitable à tous, à l'Etat, aux usagers et à l'économie française", prédisant un accord "dans les prochaines semaines".
Les dirigeants des sociétés d'autoroutes n'ont fait aucun commentaire après la réunion.
Le gouvernement ne s'est pas montré très précis sur les contours d'un éventuel accord, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, évoquant des "systèmes justes pour tout le monde et surtout qui permettent de relancer les travaux publics".
Outre l'objectif de combler le trou provoqué par l'abandon de l'écotaxe dans le financement des infrastructures, il s'agit de réduire le coût pour l'usager de l'utilisation des autoroutes.
CONTRATS SOLIDES
Ségolène Royal a prôné mardi sur RTL une baisse de 10% des péages autoroutiers et la gratuité des réseaux le week-end
"Puisqu'il y a 20% de tarifs en trop (...) Je souhaite qu'il y ait une baisse des tarifs d'autoroutes de 10% avec une gratuité par exemple le week-end", a-t-elle déclaré. "Et sur les 10% restants, que ça vienne financer le fonds d'investissement sur les infrastructures.
Dans l'entourage de Manuel Valls, on estime que la gratuité des autoroutes le week-end est "difficilement envisageable".
La semaine dernière, Ségolène Royal avait déclaré envisager un nouveau prélèvement sur les bénéfices des autoroutes pour combler le trou laissé par l'abandon de l'écotaxe.
Le ministre des Finances, Michel Sapin, qui soulignait la semaine dernière les grandes difficultés d'une telle réforme au regard des contrats de concession signés en 2004, précise mardi dans Les Echos qu'il n'est "pas sûr qu'une solution puisse être trouvée pour financer des projets dès 2015".
Mais il ajoute : "C'est une bonne idée de vouloir faire contribuer davantage (les sociétés d'autoroute) alors qu'elles ont été privatisées dans des conditions trop avantageuses. Et si certaines dispositions peuvent être prises par voie législative, il faut les examiner."
Pierre Coppey, président de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (Asfa) et directeur général délégué de Vinci, était présent mardi à Matignon. Outre Vinci Autoroutes, Eiffage et Sanef-SAPN (Abertis) étaient représentés.
Malgré la multiplication des appels à une évolution du régime des autoroutes, les concessionnaires ne sont pas prêts à se laisser faire, forts de l'article 32 des contrats de concession qui prévoit le principe de compensations en cas de prélèvement nouveau.
Selon Le Figaro, dans l'hypothèse d'une nouvelle taxe, les opérateurs menacent de ne pas appliquer le plan national de relance des autoroutes signé avec l'Etat à l'automne 2013, tirant un trait sur les créations d'emplois associées.
FEU VERT EUROPÉEN
Ce plan, qui selon Manuel Valls a reçu le feu vert de Bruxelles, prévoyait initialement 3,6 milliards d'euros d'investissements à réaliser par les concessionnaires en échange d'un allongement de la durée des concessions.
"Selon des sources au fait du dossier, APRR et AREA (groupe Eiffage), seraient les sociétés concessionnaires les moins bien loties", écrit le quotidien.
D'après lui, plusieurs projets sur les six planifiés auraient été retoqués, ce qui ramènerait de 934 à environ 700 millions d'euros le montant des travaux à effectuer au final sur le réseau du groupe. Les allongements de concession négociés avec l'Etat (trois ans et demi environ) seraient réduits en proportion, ajoute le quotidien.
Le groupe Abertis (12 opérations planifiées sur les réseaux Sanef et SAPN pour 668 millions de travaux) et surtout Vinci (huit opérations pour près de deux milliards d'euros), s'en tireraient beaucoup mieux, ce dernier voyant, d'après une source des Echos, tous ses chantiers approuvés.
La Commission européenne, à qui le plan de relance a été notifié officiellement en mai après de longs mois de préparation, aurait validé les dossiers proposant des élargissements du réseau, mais se serait opposée aux opérations qui s'apparentent à des extensions du réseau, sauf le fait de raccorder deux tronçons existants.
Vinci et Eiffage ont refusé de commenter ces informations, tandis qu'aucun commentaire n'a pu être obtenu dans l'immédiat auprès de Sanef ou de l'Asfa.
(Gilles Guillaume, Marion Douet et Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse)