par Jeff Mason
DAYTON, Ohio (Reuters) - Donald Trump, accusé par ses adversaires d'alimenter un climat de violence aux Etats-Unis par ses discours incendiaires sur l'immigration, est arrivé mercredi à Dayton, dans l'Ohio, où s'est produite l'une des fusillades ayant fait au total 32 morts ce week-end.
Le président américain, attendu plus tard dans la journée à El Paso, au Texas, où a eu lieu la deuxième tuerie, s'est rendu au chevet de survivants et de secouristes au Miami Valley Hospital de Dayton.
Des dizaines de manifestants s'étaient rassemblés devant l'hôpital, certains exhortant Trump à agir contre les violences par armes à feu, d'autres lui reprochant de faire partie du problème. "You are why" (Vous êtes la cause), pouvait-on lire sur une pancarte.
Dans la nuit de samedi à dimanche, neuf personnes, dont la soeur du tireur présumé, sont tombées sous les balles de Connor Betts en moins d'une minute dans un quartier connu pour sa vie nocturne. Le tireur a été abattu par une patrouille de police.
Selon les agents du FBI, il s'intéressait à des idéologies violentes. Six de ses neuf victimes appartenaient à la communauté afro-américaine. L'enquête n'a toutefois pas encore établi avec certitude les motivations de son passage à l'acte.
Treize heures plus tôt, une autre fusillade avait éclaté dans un supermarché Walmart (NYSE:WMT) d'El Paso, ville établie à la frontière avec le Mexique, où 22 personnes ont perdu la vie.
Le tireur présumé, Patrick Crusius, s'est livré aux autorités, qui considèrent son geste comme un cas de terrorisme intérieur. Dans un texte de quatre pages qui lui est attribué, ce jeune homme blanc de la banlieue de Dallas présente son geste comme une "réponse à l'invasion hispanique du Texas" et s'en réfère à la théorie du "grand remplacement".
TRUMP NE VOIT PAS DE MAJORITÉ POUR INTERDIRE
LES FUSILS D'ASSAUT
Ces deux fusillades, qui ont éclaté à treize heures d'intervalle, ont relancé le débat national sur le contrôle des armes à feu et le gouverneur républicain de l'Ohio, Mike DeWine, a été interpellé lors d'une veillée en hommage aux victimes de Dayton par des manifestants lui enjoignant d'agir.
S'exprimant à la Maison blanche avant son départ pour l'Ohio, Trump a déclaré que vouloir interdire par la loi les fusils d'assaut était politiquement impossible. "Je peux vous dire qu'il n'y actuellement aucune volonté politique pour le faire", a-t-il dit.
Il s'est prononcé en revanche pour un renforcement du contrôle des antécédents des acheteurs d'armes à feu et pour faire en sorte que les déséquilibrés mentaux ne puissent porter d'armes.
La maire démocrate de Dayton, Nan Whaley, était présente à l'aéroport pour accueillir le président. Mais elle a déclaré qu'elle entendait lui dire à quel point elle jugeait "inutile" sa déclaration de lundi.
Au cours de cette intervention prononcée à la Maison blanche, le président républicain a appelé ses compatriotes à "condamner le sectarisme, le racisme et le suprémacisme blanc"..
Mais, contrairement à un message écrit plus tôt sur Twitter (NYSE:TWTR), il n'a fait aucune allusion à un durcissement législatif des conditions de vente des armes à feu, reportant plutôt la cause de ces tueries sur l'état mental des tireurs et la "culture de la violence" nourrie par internet et les jeux vidéos et appelant à un élargissement du recours à la peine de mort pour les auteurs de fusillades.
"La maladie mentale et la haine ont pressé la détente, pas l'arme", a-t-il dit.
TRUMP "N'EST PAS LE BIENVENU ICI"
A El Paso, bastion démocrate dont la population est à plus de 80% hispanique, la représentante démocrate Veronica Escobar a annoncé qu'elle n'assisterait pas à la visite présidentielle.
Trump, a-t-elle dit, "n'est pas le bienvenu ici".
Comme d'autres démocrates, la parlementaire reproche au président d'entretenir un climat d'hostilité et de haine contre les migrants et d'attiser le nationalisme blanc. Son entrée en campagne dans la primaire républicaine en juin 2015 est dans toutes les mémoires: Trump avait taxé les immigrés mexicains de trafiquants de drogue, de criminels et de violeurs.
En février dernier, c'est à El Paso que le président républicain a tenu son premier meeting politique de l'année, martelant une nouvelle fois sa volonté de faire ériger un mur à la frontière avec le Mexique. "Finish The Wall", proclamaient deux grandes banderoles déployées de part et d'autre derrière lui.
"Six mois plus tard, un homme armé est venu chez nous, dans cet endroit tranquille et aimant, pour nous faire du mal", a accusé Veronica Escobar sur l'antenne de MSNBC. "Ce président a fait de ma communauté et de mon peuple un ennemi."
Candidat à l'investiture démocrate en vue de la présidentielle de novembre 2020, Beto O'Rourke, natif d'El Paso, a pareillement reproché à Trump d'avoir "contribué à créer la haine qui a rendu possible la tragédie de samedi".
De ce fait, ajoute-t-il, "il n'a pas sa place ici".
Dans le texte d'un discours qu'il devait prononcer dans la journée dans l'Iowa, Joe Biden, ex-vice-président de Barack Obama en tête des sondages en vue de la primaire démocrate, affirme lui que "le président, par sa parole publique comme pas les codes, a attisé les flammes du suprémacisme blanc dans notre pays".
"Entre Trump parlant d'une 'invasion' (de migrants) et le tireur d'El Paso déclarant que son attaque est une 'réponse à l'invasion hispanique du Texas', la distance n'est pas bien grande", devait-il ajouter.
Le maire d'El Paso, Dee Margo, estime lui qu'il ne faut pas chercher à politiser cette visite.
"Il est le président des Etats-Unis", a-t-il dit à la presse. "Je remplirai donc mes obligations en tant que maire d'El Paso et rencontrerai le président pour discuter de tout ce dont notre communauté peut avoir besoin."
(avec Julio-Cesar Chavez et Daniel Trotta à El Paso, Nandita Bose à Washington et Steve Gorman à Los Angeles; Henri-Pierre André pour le service français)