par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté mercredi en conseil des ministres est d'ores et déjà contesté par une partie de la majorité, qui critique notamment, comme l'opposition, les économies prévues sur le volet famille.
Le gouvernement attend de ce texte 9,6 des 21 milliards d'euros de réduction des dépenses publiques qu'il a programmées pour l'an prochain, dont 3,2 milliards sur les seules dépenses d'assurance maladie.
Mais ce qui a suscité jusqu'ici le plus de commentaires, ce sont les 700 millions d'euros d'économies sur la politique de la famille, qui hérissent députés frondeurs du PS et syndicats et alimentent, à droite, les accusations de la "Manif pour tous".
Le projet, dont l'examen à l'Assemblée nationale commencera la semaine prochaine en commission, prévoit notamment de diviser par trois la prime à la naissance à partir du deuxième enfant.
La durée du congé parental - trois ans au total au-delà d'un enfant - sera partagée entre le père et la mère et tout parent qui ne demandera pas à en jouir en perdra le bénéfice.
Le gouvernement prévoit aussi de décaler de 14 à 16 ans l'âge des enfants ouvrant droit à une majoration des allocations familiales et de diviser par deux l'aide à la garde des enfants de moins de six ans pour les familles les plus aisées.
Des députés socialistes, notamment dans les rangs des "frondeurs", ont souhaité mardi, en réunion de groupe, que ces mesures soient atténuées. Et Christian Paul, chef de file des "frondeurs", a établi un lien entre le PLFSS et le projet de budget de l'Etat, également contesté dans la majorité.
UN ONDAM À 2,1%
"Il y a des articles et des propositions qui ne sont pas votables, notamment sur les prestations familiales", a-t-il déclaré à Reuters. "Beaucoup au groupe poussent le gouvernement à revoir sa copie."
Des députés PS veulent notamment rouvrir le débat sur la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, ainsi que l'a confirmé le président du groupe, Bruno Le Roux, qui n'exclut pas un amendement collectif.
Selon des sources au groupe PS, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, s'est dite ouverte à des aménagements, à condition de tenir sur les 700 millions d'euros d'économies.
"Je n'ai pas entendu de contestation de l'objectif que nous nous fixons de 700 millions d'économies environ", a-t-elle fait valoir sur France Info. "Comment réaliser ces économies ? Il y a cette proposition qui est faite (...) Nous allons en discuter avec les parlementaires."
Pour le reste, le gouvernement a fixé à 2,1% l'objectif national de progression des dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour l'année prochaine. Il évalue ainsi à 520 millions d'euros les économies réalisées grâce à une amélioration de la gestion des hôpitaux, à 370 millions l'effet du développement de la chirurgie ambulatoire, à 550 millions celui de la baisse des prix des médicaments, à quoi s'ajoutent 435 millions grâce au développement des génériques.
Il attend également 1,155 milliard d'euros d'économies d'une amélioration de la "pertinence des soins" et 500 millions sur la gestion des organismes de protection sociale.
Le projet de budget de la Sécu réforme par ailleurs les seuils d'exonération ou de taux réduit de CSG pour les retraités. Selon le gouvernement, cette mesure se traduira par une baisse du taux de CSG pour 700.000 retraités en 2015, tandis que 460.000 bénéficiaires du taux réduit repasseront au taux normal.
PRESSION SUR LES LABOS
Le secrétaire d'Etat au Budget assure cependant que cette mesure sera comptablement neutre pour les finances de l'Etat. Il s'agit, a expliqué Christian Eckert, de limiter les aller-retours du taux réduit au taux plein d'une année sur l'autre.
Le PLFSS prévoit encore de transférer à l'Etat l'intégralité de la charge financière des aides personnalisées au logement, ce qui se traduira par une réduction de 4,75 milliards d'euros des dépenses de la branche famille en 2015.
Le projet de loi transfère en revanche à la Sécurité sociale l'intégralité du produit des prélèvements sociaux sur les placements en capital et le patrimoine, soit 2,5 milliards.
Enfin, le gouvernement veut faire pression sur les laboratoires pharmaceutiques pour faire baisser le prix du traitement de l'hépatite C, qui touche en France 200.000 personnes et cause 3.000 décès par an.
Il est ainsi proposé de contraindre les laboratoires concernés à reverser une contribution au-delà d'un seuil de chiffre d'affaires réalisé sur ces traitements.
"Tout le monde doit avoir accès à ces soins efficaces mais qui coûtent très cher à la Sécurité sociale - plus de 800 millions d'euros par an", explique Marisol Touraine dans une interview à Ouest-France. "J'ai donc engagé un bras de fer avec les labos pharmaceutiques pour trouver un prix juste."
Le déficit du régime général de la Sécurité sociale devrait atteindre 11,7 milliards d'euros cette année au lieu de 9,6 milliards prévus par la loi de financement 2014.
La Commission des comptes de la "Sécu" estime que sans nouvelle mesure, le déficit recommencerait à se dégrader en 2015 et pourrait alors atteindre 14,6 milliards d'euros.
(Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse)