par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Le deuxième tour des élections législatives devrait confirmer dimanche le déferlement de la vague de La République en marche sur un paysage politique français bouleversé.
A des degrés divers, toutes les autres formations politiques sont sorties affaiblies du premier tour, marqué par une abstention record, alors que les projections promettent plus de 400 députés au parti présidentiel sur un total de 577, bien au-delà de la majorité de 289 élus.
Malgré le raz-de-marée prévu, "aucun risque d'absolutisme", a tempéré Emmanuel Macron mercredi en conseil des ministres, présentant le Sénat, à droite, et les collectivités locales comme des sources d'équilibre démocratique.
Selon différentes projections, les Républicains/UDI seraient la première force d'opposition avec une centaine d'élus - moitié moins que dans l'Assemblée sortante - le Parti socialiste obtiendrait entre 15 et 25 députés - soit une division par dix -, à peu près autant pour la France insoumise et le PCF, et enfin, entre un et cinq élus pour le Front national.
Des six ministres en lice - Bruno Le Maire, Christophe Castaner, Marielle de Sarnez, Richard Ferrand, Mounir Mahjoubi et Annick Girardin -, seule cette dernière n'est pas assurée de l'emporter dimanche, après être arrivée à égalité au premier tour avec un adversaire local à Saint-Pierre-et-Miquelon.
"CHAMBRE D'ENREGISTREMENT"
Emmanuel Macron devrait compléter sous peu le gouvernement d'Edouard Philippe avec des secrétaires d'Etat et des hauts commissaires, notamment puisés à droite, où pointe l'idée d'une scission entre les élus "Macron-compatibles" et les autres.
Peu audible depuis le coup de bambou du 11 juin, la future opposition a tenté de mettre en garde contre une assemblée aux ordres d'un exécutif tout puissant.
"Si une Assemblée ça doit être une armée qui a le doigt sur la couture du pantalon, ce n'est la peine de faire une assemblée, on appelle ça une dictature", a lancé vendredi sur Europe 1 Jean-Luc Mélenchon, candidat dans la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône.
Dès lundi, l'ancien Premier ministre Alain Juppé avait jugé qu'il ne serait "pas très bon pour le débat démocratique d'avoir une chambre totalement monocolore, au risque d'avoir une chambre d'enregistrement".
Le paysage français sortira totalement redessiné, avec la chute de bastions importants dans tout le pays.
Laminé, le Parti socialiste va perdre ses fiefs de Haute-Garonne, où un seul de ses candidats est au second tour, et des Hauts-de-France - il est absent du second tour dans le Nord et le Pas-de-Calais, où il détenait au total 18 circonscriptions.
Des ténors socialistes d'hier, ceux ayant échappé à un adversaire En Marche comme Manuel Valls dans l'Essonne, Stéphane Le Foll dans la Sarthe et Marisol Touraine en Indre-et-Loire, figurent parmi les rares à espérer une réélection.
Les Républicains sont, eux, en net recul dans le Var, où ils pourraient tout perdre, dans les Hauts-de-Seine ou encore à Paris, où des circonscriptions jugées imperdables pour la droite comme celle abandonnée par François Fillon risque échapper à Nathalie Kosciusko-Morizet, au profit de LREM.
L'agression de l'ancienne ministre par un passant jeudi sur un marché parisien, conduisant à son hospitalisation, lui a valu le soutien unanime de la classe politique, certains y voyant, comme Myriam El Khomri, candidate à Paris, le signe d'une "forme de violence" à l'égard des élus.
"400 BIZUTHS QUI ARRIVENT"
La "vague" LREM va aussi empêcher les extrêmes de traduire en députés leurs bons scores de la présidentielle, même si les chefs de file - Jean-Luc Mélenchon pour la France insoumise à Marseille et Marine Le Pen pour le Front national dans le Pas-de-Calais - devaient entrer à l'Assemblée.
Rajeunie et féminisée - 246 candidates sont arrivées en tête au premier tour, laissant espérer un Palais-Bourbon composé à 42% de femmes, un record en France -, l'Assemblée nationale sera essentiellement composée de novices en politique.
"Ce n'est pas un sujet d'inquiétude", assure-t-on à la République en Marche, qui organise un séminaire de travail pour les nouveaux venus le week-end du 24-25 juin. "Beaucoup de nos futurs élus ne sont pas des professionnels de la politique, mais ils ne sont pas incompétents pour autant".
Jean-Luc Mélenchon, future voix forte de l'Assemblée, a ironisé mercredi au micro de RTL sur les "400 bizuths qui arrivent, dont la plupart d'entre eux sont des CSP+, qui sont habitués à la vie triomphante et glorieuse" et "n'ont aucune espèce d'idée du monacat qu’est la vie de député".
Au menu des travaux de l'Assemblée, qui siègera en session extraordinaire une partie de l'été : le texte sur la moralisation de la vie publique, un projet de loi de finances, avec notamment le report au 1er janvier 2019 du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la reconduction de l'état d'urgence et le projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer le Code du travail.
(Edité par Yves Clarisse)