par Marine Pennetier et Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Un mois après le lancement du "grand débat national", l'exécutif continue d'entretenir le mystère sur la manière dont il entend sortir de la crise des "Gilets jaunes" à l'approche des élections européennes, dans un contexte budgétaire contraint.
Qualifiée d'"inédite" et promise "sans tabou" par Emmanuel Macron, cette concertation sur internet et dans les territoires doit s'achever le 15 mars avant que le président ne dévoile ses "conclusions" un mois plus tard, autour du 15 avril.
En un mois, la plate-forme en ligne a recueilli plus de 220.000 contributions sur les quatre thèmes retenus par le gouvernement - transition écologique, fiscalité et dépenses publiques, démocratie et citoyenneté, organisation de l'Etat et services publics. Sur la période, des milliers d'ateliers et de réunions locales ont été planifiés sur l'ensemble du territoire.
"Clairement, l'expression est en train de se structurer pour devenir des propositions", s'est réjouie la secrétaire d'Etat et co-animatrice du grand débat, Emmanuelle Wargon, lundi dans l'émission "Audition publique" (LCP-Public Sénat-Le Figaro-AFP).
"Il y a beaucoup de sujets qui sont sur la table, il y aura une réponse", a-t-elle promis, évoquant notamment le thèmes de la justice fiscale et "la manière dont les dirigeants interagissent avec les citoyens."
PRÉMATURÉ
Reste à savoir quelle forme prendra cette réponse. Lors d'une visite au Caire fin janvier, Emmanuel Macron a évoqué "des décisions" et des "conséquences" profondes dans différents champs, écartant de simples "mesures techniques"..
Selon un membre du gouvernement, tous les ministères sont appelés à faire remonter des propositions issues du "grand débat" pour aiguiller les choix du chef de l'Etat.
"On n'en est pas encore au contenu, on est à la moitié du débat, c'est vraiment prématuré de dire 'ça y est on a tout décidé'", a tempéré lundi Emmanuelle Wargon.
Parmi les options vient de resurgir celle d'un recours à un référendum sur les questions institutionnelles, possiblement organisé le jour des élections européennes, le 26 mai.
Mais l'idée, évoquée dès juillet 2017 par Emmanuel Macron, suscite des réserves au sein même de la majorité et une franche hostilité de l'opposition qui y voit une "manoeuvre politicienne."
"Toutes les options sont sur la table et rien n'a encore été décidé", souligne l'Elysée, où l'on insiste sur le fait que le référendum "seul" ne réglera pas la crise et que si cette option est retenue, elle fera partie d'une "panoplie" de réponses.
Si l'exécutif se garde de préciser la teneur de cette panoplie, l'opposition, dont les principaux chefs de file ont été reçus par Emmanuel Macron la semaine dernière, presse pour un nouveau train de mesures sociales et pro-pouvoir d'achat.
"Les Français ne demandent pas la proportionnelle tous les jours sur les ronds-points, ils demandent du pouvoir d'achat, ils demandent moins d'impôts", estime ainsi le sénateur Les Républicains (LR) Bruno Le Retailleau. "Il faut faire de vraies réformes, pas des semblants de réforme".
TROUVER LE CHEMIN
Mais la marge de manoeuvre budgétaire de l'exécutif est étroite sachant que début décembre, au pic de la crise, Emmanuel Macron a lâché du lest en annonçant des mesures en faveur du pouvoir d'achat chiffrées à près de 11 milliards d'euros.
Ces mesures ont conduit le gouvernement à porter sa prévision de déficit public pour 2019 à 3,2% du produit intérieur brut (PIB), soit au-delà des 3% exigés par l'Union européenne, s'attirant une mise en garde de la Cour des Comptes.
"Les perspectives de finances publiques pour 2019 sont affectées d'une fragilité toute particulière", ont souligné les "Sages" dans leur rapport annuel.
L'enjeu de la réponse au "grand débat" est de taille pour Emmanuel Macron, ébranlé par la crise des "Gilets jaunes" et les violences sans précédent qui émaillent depuis l'automne les manifestations hebdomadaires des contestataires.
"Il a pris cher, y compris physiquement, mais à aucun moment il n'a vacillé", nuance un membre du gouvernement. "Je l'ai rarement vu fatigué sauf avant Noël, il avait maigri. Mais il est très vite remonté sur son cheval. Il adore faire les débats, ce n'est pas une corvée", renchérit une ministre.
Certes, Emmanuel Macron a repris des couleurs dans les sondages - entre 2% et 5% en un mois suivant les enquêtes.
Ses "débats-marathons" de plusieurs heures - sept au total en comptant celui de jeudi prochain dans l'Indre - ont montré un chef de l'Etat infatigable, en bras de chemise, ayant réponse à tout. "Combatif" au regard de ses défenseurs. En campagne européenne déguisée, a grincé l'opposition.
Le président reconnaît lui-même "marcher sur la glace" et l'évolution du mouvement des "Gilets jaunes - qui montre des signes d'essoufflement dans la rue - reste inconnue.
"Le pire serait que (l'issue du grand débat) soit une grande déception, il faut qu'on soit au rendez-vous", reconnaît une source au sein de l'exécutif. "Sur l’après, Emmanuel Macron a été très clair : il a dit qu'il souhaitait que l’après ne soit pas comme l’avant, c’est à lui de trouver ce chemin."
(Edité par Yves Clarisse)