Après une année 2016 particulièrement morose, les planètes semblent s'aligner au premier semestre pour le marché des introductions en Bourse, l'Europe retrouvant même la faveur des investisseurs internationaux que la politique avait rendu frileux.
ALD en France (1,16 milliard d'euros levés), Delivery Hero en Allemagne (près d'un milliard d'euros), Allied Irish Banks (AIB) en Irlande (3 milliards d'euros)... Les opérations de grande ampleur se sont multipliées sur les six premiers mois de l'année, signe incontestable d'un regain d'intérêt des entreprises pour la Bourse.
"A l'échelle mondiale, quasiment 38 milliards de dollars ont été levés sur cette période, soit une augmentation de plus de 100% par rapport à 2016", relève auprès de l'AFP Cyril Court, directeur du marché primaire pour l'Europe chez HSBC France. Pour le Vieux Continent, "on atteindra probablement environ 18 milliards d'euros au premier semestre", poursuit-il, contre 15,2 milliards en 2016.
Cet optimisme retrouvé profite aussi à la France, même si le premier semestre a été lesté par des incertitudes sur l'issue de l'élection présidentielle.
Jusqu'à fin juin, 11 entreprises ont été cotées sur la Place de Paris pour 1,8 milliard d'euros levés au total.
"Euronext a déjà accueilli 15 entreprises au premier semestre sur toutes les places, un peu plus qu'au premier semestre 2016, avec cependant une baisse des montants d'environ 15% à 2,7 milliards", explique à l'AFP Stéphane Boujnah, le directeur général d'Euronext, qui chapeaute les Bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne.
Toutefois, "le nombre d'entrées en Bourse a évolué favorablement avec un retour des opérations de taille significative", nuance-t-il.
Les élections françaises et néerlandaises n'ayant, contrairement aux craintes des marchés, pas donné de majorité à des partis anti-européens, l'horizon s'est éclairci ces dernières semaines.
La morosité de 2016 semble donc bel et bien oubliée et 2017 pourrait s'afficher comme une bonne cuvée, avec un certain nombre d'opérations d'ampleur dans les tuyaux d'ici la fin de l'année.
- Afflux de liquidités -
"L'Europe est de retour, c'est +the place to be+", estime ainsi Marc Lefèvre, associé France du cabinet EY.
"Les investisseurs sont rassurés. Le flux net de liquidités vers l'Europe est positif pour la 12e semaine consécutive", relève-t-il auprès de l'AFP.
"Les flux sortants sur les actions européennes étaient de quasiment 100 milliards d'euros sur la première moitié de 2016 alors que nous avons des flux entrants de 60 milliards cette année", note de son côté Cyril Court.
Outre un regain de confiance dans la stabilité européenne, les indicateurs macroéconomiques en amélioration dans la région jouent en faveur des actifs plus risqués, sans oublier une politique monétaire demeurant accommodante de ce côté de l'Atlantique.
Enfin, les niveaux de valorisation des sociétés européennes, s'ils sont bons, restent néanmoins moins élevés qu'aux Etats-Unis.
"C'est un bon moment pour entrer en Bourse. L'élection présidentielle française a été le catalyseur de plusieurs tendances de fond qui vont se poursuivre", confirme Stéphane Boujnah.
"Les investisseurs, notamment américains, qui étaient assez prudents en début d'année, sont maintenant très actifs dans les opérations en cours et à venir", commente pour l'AFP Igor Donnio, responsable de l'activité des marchés de capitaux pour BNP Paribas (PA:BNPP).
Et les sociétés pourraient être d'autant plus encouragées à franchir le pas que celles qui ont tenté l'aventure au premier semestre ont globalement été bien reçues.
Ainsi, les actions des groupes français Balyo et de Prodways ont attiré des demandes 6 à 7 fois plus importantes que prévu, souligne Marc Lefèvre.
Certaines entreprises pourraient profiter de ce vent porteur pour se tourner vers l'étranger, à l'image de Carrefour (PA:CARR) qui a donné fin juin le coup d'envoi de l'introduction en Bourse de ses activités au Brésil, valorisées entre 7,9 et 10 milliards d'euros.
Sans oublier des privatisations potentielles, une solution que le gouvernement irlandais a choisie pour AIB.
En France, "la plupart des actifs les plus importants sont déjà cotés", rappelle le patron d'Euronext, qui dit néanmoins s'attendre à "des volumes d'émission significatifs liés au programme de privatisation que veut engager le gouvernement". Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs annoncé mercredi d'importantes cessions d'actifs de la part de l'Etat dans les prochains mois.