par Brian Winter
SAO PAULO (Reuters) - Volkswagen a espionné un certain nombre de syndicalistes brésiliens dans les années 1980, dont Luiz Inacio Lula da Silva, devenu des années plus tard président de la République.
Selon des documents découverts il y a peu et que Reuters a pu consulter, le constructeur automobile allemand a collecté des informations sensibles sur l'activité des syndicalistes et les a transmises à la dictature militaire.
Ces documents, retrouvés dans les archives du gouvernement par la "commission vérité", montrent que VW surveillait tant ses salariés que leurs représentants. Ils témoignent aussi d'une pratique largement répandue chez les constructeurs automobiles présents au Brésil.
Une vingtaine de pages classées confidentielles transmises au pouvoir de 1983 à 1984 montrent sous un jour nouveau les relations entretenues entre les grands groupes étrangers et les militaires.
VW a ainsi communiqué le détail de réunions de syndicalistes organisées dans la région de São Paulo, des projets de grèves ainsi que leurs revendications salariales et d'améliorations des conditions de travail.
Les noms des participants à ces réunions ont été divulgués auprès des militaires et dans deux cas au moins, VW a transmis les numéros de plaques d'immatriculations, mais aussi l'identité de salariés distribuant des tracts ou celle de ceux pris en train de fumer de la marijuana.
POSSIBLES SUITES JUDCIAIRES
Selon les documents consultés par Reuters, VW a notamment accumulé des informations sur une réunion syndicale de juin 1983 à laquelle Lula a participé. Le futur chef d'Etat n'était pas un de ses employés mais était déjà une étoile montante du mouvement syndical. Il est cité fustigeant "un gouvernement éhonté" et incitant les salariés à cesser de financer un fonds public de financement du logement en guise de protestation.
Contacté par Reuters, un porte-parole de Lula a refusé de commenter ces informations.
Selon Sebastião Neto, membre de la commission nationale de vérité, ces informations étaient utilisées par la police pour surveiller, harceler et arrêter les syndicalistes afin d'empêcher l'organisation de nouvelles grèves.
"Ces documents montrent très clairement que les entreprises attendaient du gouvernement qu'il les aide pour résoudre les problèmes qu'elles rencontraient avec leurs salariés", explique Sebastião Neto.
S'il est prouvé qu'elles ont ainsi contribué à des violations des droits de l'homme, les entreprises en question risquent des poursuites, ont prévenu des procureurs brésiliens.
Des juristes doutent toutefois que les preuves réunies jusqu'à présent soient suffisantes pour monter un dossier et que l'intérêt des travaux de la commission de vérité est plutôt d'éclairer une période révolue de l'histoire du Brésil, devenu depuis un Etat stable et démocratique.
Contacté par Reuters, VW a redit qu'il "enquêterait sur toutes les indications" montrant que des employés avaient fourni des informations aux militaires.
Aucun autre grand groupe présent au Brésil ne s'est encore engagé publiquement à réaliser de telles investigations.
(Nicolas Delame pour le service français)