par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Laurent Wauquiez a mené à bien la première phase de sa feuille de route en se faisant élire dimanche à la présidence des Républicains (LR), avec 74,64 %, et aborde désormais une étape peut-être plus ardue, celle consistant à élargir son audience.
Chef de file de l'aile droite de LR, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes s'est imposé dès le premier tour face à deux rivaux nettement moins connus que lui, l'ex-porte-parole de François Fillon Florence Portelli (16,11%) et le "juppéiste" Maël de Calan (9,25%).
Son score lui assure une élection confortable d'autant que, avec près de 100.000 votants (98.543 exprimés), la participation dépasse les pronostics des dirigeants du parti et de l'équipe de Laurent Wauquiez lui-même, qui tablait sur 50.000 adhérents.
"Oui, ce soir, nous pouvons dire 'la droite est de retour'", s'est-il félicité lors d'une brève allocution, reprenant là un leitmotiv de sa campagne.
"Nous allons tout reconstruire, nous allons tout renouveler avec de nouveaux visages. Et surtout, nous allons tirer les leçons de nos échecs. C'est une droite renouvelée qui se lève aujourd'hui, une droite qui assume ses valeurs, une droite sereine", a encore dit le nouvel élu.
Laurent Wauquiez a désormais un mandat de cinq ans pour redonner une impulsion à un parti durement affecté par les défaites de 2017, rassurer les modérés qui n'ont pas encore fait défection et s'adresser à un électorat plus large que sa seule base militante.
"AUTORITÉ" ET "AMOUR DE LA FRANCE"
"Un électeur sur cinq a voté François Fillon en 2017, ça reste la masse incompressible des votants Républicains. Pour aller au-delà, il faut avoir un projet qui suscite de l'allant", estime Erwan Lestrohan, directeur d'études à l'institut BVA.
"Dans un contexte qui s'est un peu déporté vers la droite, sa ligne n'est pas rédhibitoire", ajoute-t-il. "Maintenant il va devoir montrer qu'il n'est pas que le représentant d'une frange dure mais d'un courant de synthèse et surtout qu'il incarne un projet de long terme pour les Républicains."
A LR, ses détracteurs le soupçonnent de vouloir réduire la formation à sa seule sensibilité sarkozyste, sans égards pour les plus centristes, et l'accusent de vouloir brouiller la frontière avec l'extrême droite.
Une partie d'entre eux ont déjà trouvé refuge ailleurs, au sein de La République en marche (LREM) d'Emmanuel Macron ou dans un parti fraîchement créé, Agir, et les autres attendent de voir à quoi ressemblera la présidence Wauquiez.
Maël de Calan, qui a échoué de peu sous son objectif de 10% à 20% des voix, a rappelé dimanche ses lignes rouges, sur le rapport à l'Europe ou au Front national, sans pour autant agiter explicitement la menace d'une scission.
"Laurent Wauquiez sait qu'il n'y a pas de victoire possible sans la droite modérée, ça rend notre rôle crucial, essentiel et ça augmente notre volonté de peser sur les destinées des Républicains", a dit le jeune élu breton à ses partisans.
Lors de son discours, le vainqueur a appelé les sceptiques à se ranger derrière lui tout en prononçant des mots empruntés au registre de sa campagne avec en guise de valeurs fondatrices "le travail", "la liberté", "l'autorité" ou "l'amour de la France".
"RELATION PARTICULIÈRE AVEC LES FRANÇAIS"
"Je sais que Laurent Wauquiez rassemblera, qu'il trouvera le moyens de rassembler notre famille politique de la droite et du centre", a déclaré Bernard Accoyer, qui exerçait jusque-là l'intérim en qualité de secrétaire général.
Dans l'opinion au sens large, Laurent Wauquiez souffre par ailleurs d'une image dégradée : les Français ne le trouvent "pas compétent" à 51%, "pas sympathique" à 55% et ils sont plus de six sur dix à ne le trouver ni "honnête" (60%) ni "proche des gens" (62%), selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour franceinfo et Le Figaro publié jeudi.
"Le plus dur commence", juge Jean-Daniel Lévy, directeur du département Opinion d'Harris Interactive.
Car, ajoute-t-il, "sa cote de confiance n'est pas très importante chez les Français, voire les sympathisants républicains. Il y a donc pour lui une nécessité de créer une relation particulière avec les Français et le coeur de l'électorat républicain."
Choix tactiques mis à part, l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy trouve un parti en pleine crise d'identité, pris en tenaille entre un Emmanuel Macron de plus en plus populaire à droite et une Marine Le Pen affaiblie mais encore dans le paysage.
"Si (la droite) rassemble au centre gauche, elle perd son flanc droit en légitimant le vote FN comme vote utile contre la gauche", résume le politologue Nicolas Lebourg dans une note publiée par l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès.
Et "si elle rassemble au FN, elle légitime le transfert de vote vers le FN et fragilise son flanc centriste."
Le chef de file intronisé de LR, qui se rêve en premier opposant à Emmanuel Macron, passera un premier examen en 2019 avec les élections européennes.
(édité par Yann Le Guernigou)