Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Difficile de trouver une explication valable au brusque trou d’air de dernière minute à Wall Street hier. Un étrange coup de mou qui a privé deux des trois principaux indices américains d’un record absolu de clôture et d’un cinquième carton plein de plus hauts absolus consécutifs.
Pas de donnée macroéconomique pour expliquer une éventuelle déception en fin de séance, rien de négatif non plus du côté des stocks hebdomadaires de pétrole, qui à en croire les données de l’EIA (Agence américaine de l’énergie) se sont contractés de 1,1 million de barils.
Pour la petite histoire, le S&P500 avait préalablement inscrit un nouveau zénith à 3 198,5 points et le Nasdaq Composite culminé à 8 848 points. C’est d’ailleurs lui qui a sauvé l’honneur en grappillant 0,05% à la cloche à 8 828 points.
Un gain anecdotique de prime abord, mais qui permet tout de même au Nasdaq de passer la barre des 33% de hausse annuelle. Car oui, un tiers de la capitalisation historique du Nasdaq s’est rajoutée depuis le 1er janvier, un score sans précédent depuis 2013 (+38,3%).
La situation actuelle n’est cependant pas comparable avec celle d’il y a six ans. A l’époque en effet, le Nasdaq était bien loin de battre des records absolus, poursuivant plus modestement sa remontée en direction des 5 160 points de mars 2001. Il a ensuite fallu attendre l’été 2015 pour voir la résistance des 5 160 points se « soulever » et août 2016 pour s’en affranchir définitivement.
Affolement des compteurs
En terme de points gagnés à l’issue d’une seule « tendance en ligne » haussière, l’année 2019 marque le record du XXIème siècle (+2 650 points) et même un record historique, bien supérieur aux 2 000 points (qui représentaient alors un bond de 85,6%) engrangés en 1999.
L’année qui s’achève nous offre même un double record : celui des 1 150 points gagnés le plus rapidement de l’histoire, du 3 octobre au 18 décembre puis du 4 janvier au 4 mars.
Une précision de taille néanmoins : les « tendances en ligne » successives de début janvier à fin avril, puis de début juin à fin juillet, se sont développées avec l’appui des marchés obligataires et de taux se détendant fortement.
Or, depuis le 3 octobre, la hausse se propage à contre-courant des marchés obligataires et plus particulièrement des T-Bunds, dont le rendement est passé de 1,45 à 1,95% entre le 7 octobre et le 7 novembre derniers, puis de 1,70 à 1,93% du 3 au 18 décembre.
De son côté, depuis le 28 octobre (le « 10 ans » américain affichait alors 1,80%), le S&P500 a battu pas moins de… 18 records absolus !
Des rendements illogiques
Nous ne sommes probablement pas au bout des paradoxes puisque nous observons un bouleversement de la hiérarchie des dettes souveraines depuis que les taux ont atteint des planchers historiques, fin août et début septembre.
Nos OAT affichaient par exemple un rendement de 0,056% hier, tandis que celui du « 10 ans » irlandais est repassé de 0,024% à 0,065%… Et tant pis si déficits irlandais hérités de la crise de 2008/2009 sont encore plus conséquents que ceux de la France.
Dans la même « logique », le rendement des « bonos » espagnols s’est tendu à 0,425% et est devenu durablement supérieur à celui du « 10 ans » portugais (autre pays à bilan budgétaire compliqué), qui affiche pour sa part 0,385%.
Last but not least, les BTP italiens affichent 1,345% et sont désormais plus mal considérés que le « 10 ans » grec, lequel culmine à 1,285% alors même que le pays reste virtuellement en faillite.
On pourrait finalement résumer tout ce qui précède par un seul et même constat : nous assistons à un dérèglement majeur et général de la mesure du risque… Et le « VIX », l’indicateur de volatilité, est bien parti pour enfoncer le seuil des “12” d’ici demain, pour couronner le bannissement du “risque” à l’entame de la séance des “4 sorcières”.