Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le mois de septembre s’est achevé ce lundi et avec lui, surtout, le troisième trimestre 2019.
Un troisième trimestre à peine moins heurté que le précédent pour le CAC40, l’indice ayant engrangé 3% sur la période, contre un gain de 3,5% au titre de la période avril-juin.
Au cours de ladite période, les banques centrales avaient d’abord inquiété, puis rassuré. Après un discours ultra-accommodant de Mario Draghi au symposium de la BCE de Sintra, Jerome Powell a en effet introduit quelques jours plus tard le concept de « détente de taux préventive ».
Puis, au troisième trimestre, les banques centrales ont « délivré », avec une FED qui a réduit par 2 fois le loyer de l’argent et une BCE qui a ordonné la relance du « QE » à compter de novembre.
En Europe, les chiffres décevants s’enchaînent, mais c’est en quelque sorte la condition nécessaire (et suffisante) pour que la BCE ressorte ses seringues à morphine monétaire, ce qu’elle a confirmé le 12 septembre dernier… tout en précisant à juste titre « qu’elle ne peut pas tout » non plus.
Mais peut-être en a-t-elle déjà trop fait, après avoir trop promis, et cette complaisance qui ne semble efficace que pour les marchés commence à agacer de nombreux membres de la Bundesbank…
Le choix de Christine Lagarde ne fait pas l’unanimité
Il y a d’ailleurs déjà eu des démissions côté « buba » pour cause de divergences avec la non-orthodoxie de certaines stratégies mises en place par la banque centrale. Un temps pressenti pour succéder à Jean-Claude Trichet, Axel Weber avait notamment jeté l’éponge en février 2011 dans la course à la succession, faute de l’indispensable soutien politique d’Angela Merkel.
Le choix de Mario Draghi, adepte assumé de l’expansionnisme monétaire, constituait un désaveu de la ligne d’indépendance et de rigueur toute germanique qu’il incarnait. Axel Weber démissionna dans la foulée de la présidence de la Bundesbank, qu’il occupait depuis avril 2004… et fut remplacé par le non moins orthodoxe Jens Weidmann, mais dont la ligne est devenue de plus en plus minoritaire au cours des huit dernières années.
Depuis 2011, les dissensions internes n’avaient pas dépassé le stade d’escarmouches. Et si une crise faillit éclater avant le lancement du premier « QE » en mars 2015, le fait que le ralentissement économique devenait menaçant permit en quelque sorte d’éviter le pire.
Avec l’arrivée aux commandes de Christine Lagarde, l’idée qui prévaut est cependant qu’elle ira encore plus loin que Mario Draghi en matière de stratégies d’exception, en cas de situation… exceptionnelle.
Le sentiment de perte d’influence du côté allemand (mais également côté néerlandais) est tel que les critiques s’accumulent à l’encontre de l’institution de Francfort. Klaas Knot et Jens Weidmann, pour ne citer qu’eux, désapprouvent ouvertement le « QE-2 » et la fronde a franchi un nouveau cap jeudi dernier avec l’annonce, à la surprise générale, de la décision de Sabine Lautenschläger, membre de la « Buba », de quitter le directoire de la BCE alors que son mandat courait jusqu’en 2022.
Il y a, il est vrai, de quoi s’interroger sur l’efficacité de la stratégie de la BCE, car si elle a séduit les marchés jusqu’à les ramener vers des sommets historiques (le CAC « GR » a inscrit un nouveau zénith au-delà de 15 430 points), le « sentiment économique » des acteurs du monde réel s’est quant à lui nettement dégradé en Europe ce mois-ci, de 103,4 en août à 101,7 selon la dernière enquête de la commission de Bruxelles.
Peur sur la croissance allemande
En étant totalement objectif, la BCE n’a néanmoins pas tort d’insister sur le fait « qu’elle ne peut pas tout », alors que l’Allemagne dispose de grosses marges de manœuvre budgétaires sur lesquelles elle ne s’appuie guère… tout en se montrant intraitable avec les pays en proie avec des déficits excessifs (sauf avec la France, son premier partenaire politique et commercial).
Nos voisins pourraient pourtant se permettre d’injecter 5% de PIB (grands travaux, recherche, transition énergétique) sans pour autant outrepasser les critères de Maastricht.
De même, Angela Merkel pourrait aussi faire un geste en direction des « précaires » alors qu’à en croire l’institut DIW, l’Allemagne compte 6,5 millions de contrats de type « minijobs » à 450 € par mois.
La presse économique germanique recense de son côté pas moins de 7,6 millions de « nebenjobs » (leur petit nom en allemand) dispensés partiellement de cotisations sociales (25%, retraite comprise) depuis avril 2003.
Conçus initialement comme des métiers d’appoint, les « minijobs » sont occupés à 70% par des femmes… et 4,5 millions d’entre eux constituent en fait l’emploi principal. Au bout du compte, ils ne donnent lieu qu’à des abondements symboliques, sinon dérisoires, aux régimes de retraite (3,1 € par mois !).
Résultat des courses : L’Allemagne va bientôt compter des millions de retraités extrêmement pauvres et qui ne touchent que… 140 € par mois + un minimum vieillesse d’un montant de 688 € mensuel.
Faute d’un complément substantiel, cette catégorie de futurs retraités contribuera à faire chuter la consommation et donc la croissance allemande.
Toutes les stratégies de soutien de la BCE n’y changeront rien, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des domaines auxquels le « stimulus fiscal » prôné par Mario Draghi (en guise d’ultime recommandation avant de céder son fauteuil) peut s’appliquer…