Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Il y a bientôt une semaine de cela, les marchés ne « faisaient plus rien », parce que les jeux étaient faits à la veille de la séance des 3 sorcières (après une belle accélération à la hausse motivée par un prétendu accord sur le Brexit, lequel n’existe toujours pas une semaine plus tard).
Ce vendredi des “3 sorcières”, les marchés ne faisaient rien, à la veille d’un week-end à suspens puisque le destin des indices boursiers était suspendu à un double vote du Parlement britannique concernant l’adoption du Brexit. Or, on le sait, ce dernier a dit « non ».
Lundi, les marchés ne faisaient rien non plus, parce que la situation semblait plus confuse encore qu’en fin de semaine dernière de l’autre côté de la Manche. Toujours dans l’incertitude, ils n’ont pas fait davantage avant-hier ; et hier matin, alors que l’espoir d’un Brexit au soir du 31 octobre était enterré, les opérateurs ne savaient plus quel scénario privilégier.
Quelques heures plus tard, lassés de ne plus rien pouvoir anticiper quant aux modalités de sortie du Royaume-Uni de l’UE, les marchés qui consolidaient à la marge se sont refaits une santé et ont gommé leurs pertes initiales en se focalisant sur la tenue de la prochaine réunion de la BCE, la dernière présidée par Mario Draghi.
Les investisseurs parient qu’il aura à cœur de soigner sa sortie, en se gardant de dévoiler quoi que ce soit qui serait susceptible de déplaire aux marchés et de contrarier les anticipations d’argent gratuit au moins jusqu’à la moitié du mandat de Christine Lagarde. Etant entendu que l’inflation ne se rapprochera pas sensiblement de l’objectif des 2% avant au minimum 3 ou 4 ans et qu’on pourrait de surcroît la laisser dépasser (« overshoot » en langage banque centrale) ce seuil avant de déterminer s’il est opportun ou non de la contenir en remontant les taux.
De l’argent gratuit pour longtemps !
Ce ne serait donc qu’à compter de 2023 voire 2024 qu’il serait véritablement question de réétudier si les conditions sont réunies pour envisager une possible normalisation de la politique monétaire (sans provoquer un trou de -20% comme à l’automne 2018), après 15 ans de mesures d’exception et de stratégies expérimentales en matière d’approvisionnement des marchés en liquidités (« QE », “OMO”, TLTRO… et désormais « REPO » massif aux Etats Unis).
La FED injecte en effet 200 Mds$ certains jours et y rajoute 60Mds$ de liquidités par mois depuis deux semaines. Toutefois, et tenez-le vous pour dit, il ne s’agit pas à proprement parler d’un « QE » mais d’opérations renouvelées quotidiennement, des prêts contre garantie adossés à des instruments très court terme (maturité inférieure à un an).
Reste que nous jouons ici sur les mots et que le marché interbancaire se retrouve bel et bien artificiellement fluidifié par des ajouts massifs de liquidités, quelle que soit leur maturité.
Au surplus, ces ajouts massifs signifient que beaucoup d’intermédiaires sont, non pas véritablement « à sec », mais au maximum de leurs capacités d’absorption des émissions du Trésor américain, en parallèle avec leurs engagements sur les marchés liés au niveau d’endettement des entreprises.
Or, sans croissance, ils ne pourront bientôt plus faire face à leurs engagements financiers.
Les liquidités des banques centrales agissent depuis des années comme l’eau des piscines des centrales nucléaires : elles font écran à la radioactivité (comprenez au risque), mais ne la réduisent pas. Les barres de combustible (le risque sous-jacent lié à la masse des dettes high yield notamment) deviennent de plus en plus chaudes, la radioactivité de plus en plus nocive… et les banques centrales rajoutent toujours plus de liquidités.
Sauf que tout cela ne résout rien et ne fait que repousser le moment de la fonte du réacteur…