Le seul garant de la profitabilité de votre compte est votre équilibre, de manière générale :
- Equilibre entre vos ressources et vos objectifs sur l’aspect concret.
- Equilibre entre votre PnL et votre taux de profitabilité sur l’aspect stratégique.
- Equilibre intérieur, c’est le sujet de cet article.
Nous avons trois cerveaux : instinctif, émotionnel et rationnel. Depuis l’aube de l’humanité, les spirituels les localisent au niveau du ventre, du cœur et de la tête et nous avons récemment découvert que nos intestins et notre cœur possèdent eux aussi des neurones interconnectés par le réseau nerveux. A croire que les sufis, chamans et autres adeptes de la divination avaient effectivement deviné ce que la science prouve à présent.
Peu importe que vous y croyiez ou non, ces trois dimensions font effectivement appel à trois parties de nous, à la fois distinctes et connectées. Leurs motivations sont parfois antagonistes et la guerre fait rage, l’un dit « blanc » et l’autre dit « noir ». Les jeunes enfants ne sont qu’instinct, les adolescents ne sont qu’émotion et les adultes font leur petite recette personnelle.
Le cerveau instinctif correspondrait aux besoins vitaux et aux rapports de forces. L’estime de soi en fait partie car la justification identitaire est un besoin primal et instinctif. Une personne profondément guidée par son instinct est insatiable ; elle en veut toujours plus. En quête perpétuelle, elle est affamée de reconnaissance et comme un ogre, elle consomme tous les plaisirs et toutes les opportunités. Cette partie de nous est un puissant vecteur de motivation sociale : gagner de l’argent, paraître fort et dominer ; ou au contraire, une invitation à nous soumettre aux leaders, à trouver un clan, à adhérer à un groupe.
Le cerveau émotionnel serait le siège de nos gouts, de nos valeurs et de nos motivations conscientes : être libre, créer, être optimiste ; quelques exemples parmi tant d’autres de ce que notre cerveau émotionnel peut défendre par ces actions et par ces opinions. Cette partie de nous centralise des motivations fortes, mais déforme la réalité. Elle a tendance à reproduire à l’infini des schémas inadaptés aux situations nouvelles ou complexes. Le cerveau émotionnel est totalement centré sur soi et ne regarde pas objectivement le monde qui continue de tourner.
Le cerveau rationnel nous permettrait d’analyser une situation avec distance pour extraire des informations utiles et nécessaires à notre raisonnement. Détaché de l’instinct et des émotions, le cerveau rationnel collecte, décortique et analyse pour livrer une conclusion logique.
Nous pourrions être tentées de dénigrer une de ces parties et le trading nous y invite carrément : l’instinct est primitif et pulsionnel, l’émotion est handicapante, la rationalité est la seule alternative valable…
Dans l’absolu, ce n’est pas faux, au moment où vous opérez, vous avez besoin de faire appel à votre rationalité : c’est cette partie qui est la plus adaptée à la situation, par définition toujours complexe et nouvelle. Mais un être humain, c’est un écosystème global et pour garder votre rationalité au moment où vous opérez, vous devez nourrir les autres parties efficassement.
Quand une personne bâillonne une partie, il peut y avoir deux conséquences principales : la première, c’est que la partie bâillonnée finis par exploser comme une cocotte-minute et on en arrive à des extrêmes dans les choix de trading, des attitudes de joueurs de casino, purement réactives. La seconde est un sentiment plus ou moins diffus de malaise, qui se traduit par des difficultés à dormir, un comportement irritable, un repli sur soi et globalement, un comportement instable qui oscille entre l’enthousiasme excessif et le désespoir profond. Ces changements d’humeurs sont le signe d’un déséquilibre d’expression entre les différentes parties de vous, c’est un peu comme des mini-clash réguliers qui permettent de faire baisser la pression à l’intérieur.
Au moment de prendre et de gérer des ordres, vous devez être purement rationnel, mais vous n’y arriverez pas si par ailleurs vous ne contentez pas vos besoins instinctifs et émotionnels.
Je vous invite à réfléchir en deux étapes :
Comment, à ce jour, vous contentez votre instinct, votre émotion et votre rationalité ?
Comment vous honorez ces trois parties de vous-même ?
Quelles sont les situations et les actions concrètes qui vous permettent d’exprimer telle ou telle partie ?
Est-ce que j’ai un bon équilibre entre les trois ?
Sinon, que puis-je faire concrètement pour y arriver ?
Pour répondre à cette question, je vais une fois de plus revenir à ma grille de lecture de base qui a pour mérite de servir de canevas et de structurer la réflexion.
- Les besoins instinctifs tout d’abord :
Votre instinct grégaire (votre place instinctive dans le groupe) conditionne votre politique de risque et votre vision du marché. Pour contenter cette partie de vous et qu’elle reste calme au moment d’opérer, votre philosophie de trading et votre politique de risque doivent y correspondre.
Par exemple, les dominants auront tendance à se surexposer, ils savent gérer des pertes relativement élevées mais peinent à gérer beaucoup de petites pertes, leur politique de risque doit tenir compte de cet aspect.
Autre exemple, les méfiants pensent souvent (au niveau instinctif) que la tendance ne durera pas, ainsi, leur philosophie d’entrée et la politique de risque consécutive devra aussi tenir compte de cette vision.
Au-delà de votre positionnement grégaire, se pose aussi la question de la manière dont vous assouvissez vos instincts dans la vie. Un trader qui aura une large capacité d’expression de ces besoins sera plus disponible sur les marchés car il vit ses besoins en dehors du trading.
L’objectif n’est pas l’assouvissement de n’importe quel désir mais leur reconnaissance, leur acceptation en tant que tels et potentiellement, la recherche de palliatif autre que dans le trading car la frustration est une autoroute vers l’irrationnalité.
- Le cerveau émotionnel :
Le cerveau émotionnel s’exprime sans réelle réflexion, ce sont toutes ces actions du quotidien que l’on effectue sans y penser, les partis-pris, les aprioris. Ce sont aussi nos gouts, notre motivation, ce que l’on aime faire ou ce qui nous insupporte au plus haut point. Le cerveau émotionnel, c’est le centre décisionnel par défaut et aussi, celui qui a besoin d’être en lien avec les autres. On pourrait facilement le confondre avec l’instinct car les deux ont un point commun, ils ne sont pas rationnel. Pourtant, les motivations sont beaucoup plus avouables, reconnus et conscientes que celles de l’instinct. Souvent, elles sont inculquées ou héritées de la répétition de stratégies comportementales gagnantes.
Prenons un exemple, disons que la motivation de façade est la sécurité. Lorsque la personne ne contrôle pas une situation, elle est mal à l’aise. Il peut y avoir plusieurs causes à ce besoin purement émotionnel de sécurité. Par exemple une sensation de vulnérabilité face à l’imprévu, une vision pessimiste de l’avenir, la peur d’être abandonnée et que sais-je encore ? La stratégie comportementale pourrait être de tout organiser, de tout prévoir. Cette approche purement émotionnelle aura deux conséquences : l’accroissement des ressources (ce qui est positif) et l’angoisse permanente d’avoir « oublié » quelque chose (ce qui l’est déjà moins). S’il apporte cette motivation avec lui lorsqu’il trade, il sera angoissé dans cet environnement incertain et rapidement être stressé.
Pourtant, si cette motivation existe, il faut la contenter, d’une manière ou d’une autre…
- Le cerveau rationnel :
Notre cerveau rationnel est détaché de l’émotionnel. Il aime la logique et l’analyse. Hors, les marchés ne sont pas toujours logiques et l’analyse trouve ses propres limites car elle offre un avantage probable et non certain. Le cerveau rationnel n’est pas à l’aise avec ce postulat. Alors, devant l’échec de la rationalité, certains tentent d’avoir un process décisionnel plus restrictif, des conditions plus drastiques, ce qui alourdit la réflexion et qui frustre les deux autres cerveaux.
Le but est de parvenir à un équilibre d’expression, de pacifier dirons-nous les rapports entre eux afin d’utiliser les forces de chacun judicieusement.
On entend souvent : « sois discipliné, laisse courir les gains et coupe tes pertes, devient patient.» Ces phrases, bien qu’exactes dans l’absolu, sont culpabilisantes et n’apportent pas la moindre étincelle de solution. Comme si il suffisait de choisir d’être comme ceci ou cela pour le devenir en un clin d’œil.
Ce que je vous propose, c’est de tenter de faire au mieux avec les cartes que la vie vous a distribué et ce n’est pas dans la lutte que vous y parviendrez mais dans la création d’un mental stable, équilibré et serein.