Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
La semaine du 4 au 9 octobre a été la plus « bullish » sur l’ensemble des places boursières mondiales depuis quatre mois, relève Philippe Béchade dans sa traditionnelle chronique du lundi, qui regorge de chiffres riches en enseignement et dresse le constat implacable d’une FED tacitement complice de la spéculation boursière…
La semaine close s’est soldée par un gonflement de 3 500 Mds$ de la capitalisation boursière mondiale. L’équivalent du PIB allemand (!) et accessoirement un record pour une seule semaine au cours d’un mois d’octobre depuis 20 ans. Quant au ratio capitalisation/dette mondiale, il est repassé au-dessus de la barre symbolique des 100%, à près de 92 000 Mds$.
Avec un gain hebdomadaire de 3,3%, le Dow Jones pointe à 3,2% de son zénith de la mi-février, tandis que le S&P500 (qui a glané 3,8 % entre lundi et vendredi) est revenu à 3% de son record absolu du 2 septembre dernier, et que l’EuroStoxx50 et le CAC40 accusent respectivement 18 et 20% de retard sur leurs records annuels.
Comment la capitalisation mondiale peut-elle être revenue au zénith ? Il faut en fait prendre en compte les indices chinois, au firmament avec un gain de 14% pour l’indice élargi CSI-300 et un bond de 24% pour l’indice Shenzhen (sorte d’équivalent du Nasdaq américain). La Bourse sud-coréenne n’a en outre pas été en reste, ayant inscrit un record absolu vendredi à 1 290 points, cinq de plus que le 12 août dernier, son homologue de Taïwan ayant pour sa part réalisé un record de clôture à près de 1 800 points, ce qui représente une progression de 15% à compter du début de l’année.
Sauf que les Bourses de Séoul et de Taïwan ne pèsent presque rien par rapport aux « GAFAM », cinq « piliers » qui font la différence avec une ascension tout bonnement vertigineuse depuis un an. Si le S&P500 a gagné 17,5 % depuis le 10 octobre 2019, le Nasdaq 100 a ainsi bondi de 51,5% dans cet intervalle, trois fois plus ! D’où la pertinence de la question suivante : qu’est-ce qui va mieux à tous points de vue depuis un an ?
Un déficit abyssal
Réponse : la liquidité ! Entre ces deux dates, en effet, le déficit fédéral s’est creusé de 2 150 Mds$, à un rythme (infernal) de 3 131Mds$ (soit une hausse de 35% du ratio dette/PIB, passé de 103 à 138%) entièrement financé par la planche à billet (+3 300Mds$, soit 10 000 $ par citoyen américain).
Par ailleurs, le déficit fédéral a été multiplié par 5,3 depuis l’élection de Donald Trump, alors qu’il était passé de 1 413 à 445 Mds$ (division par trois) de 2009 à 2015 et avait été multiplié par dix sous l’administration Bush.
Peut-on imaginer que Joe Biden réussira le même exploit que Barack Obama ? En fait, la clef résidait dans la hausse mécanique des recettes fiscales, sans hausses d’impôts, qui ne furent pas les ennemies de la hausse de Wall Street. Las ! Donald Trump les a fait s’effondrer, ce qui a contraint la FED à déclencher un « non-QE » mi-septembre 2019, un « non-QE » permanent fin janvier 2020 puis un « QE-infinity » mi-mars.
La FED nourrit la spéculation boursière
La singularité de ce nouveau QE à durée indéterminée est qu’il comprenait des achats d’ETF obligataires « corporate » (émissions d’entreprises privées) et que ces achats étaient théoriquement destinés à soutenir les entreprises en difficulté. Or, en achetant des ETF, la Réserve fédérale américaine a « ramassé » des émissions d’entreprises en parfaite santé, cherchant à profiter de l’aubaine de taux ultra-bas pour accroître leur trésorerie afin de financer soit des « buybacks » (rachats d’actions), soit des OPA sur des concurrents.
Par voie de conséquence, la FED alimente désormais directement la spéculation boursière… D’où l’impossibilité pour les indices américains de consolider durablement, même si la plupart des « cadrans » économiques se dégradent (croissance anémique, explosion du déficit commercial, ralentissement des créations d’emplois etc.).
Nous n’allons maintenant pas tarder à découvrir si les résultats du troisième trimestre seront ou non à la hauteur du rebond attendu…