Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Dévoilés jeudi avant séance, les comptes annuels de Publicis (PA:PUBP) ont réservé une bien mauvaise surprise aux investisseurs, qui n’ont pas du tout apprécié l’annonce d’un repli de 0,3% des revenus en données organiques au quatrième trimestre, alors que le consensus visait une augmentation de 2,5%. La sanction a été terrible en Bourse, l’action du numéro trois mondial de la publicité ayant chuté de près de 15% – de loin la plus mauvaise performance du CAC40 – dans des volumes très élevés (plus de 4,7 millions de titres échangés) pour retomber sur des niveaux proches de ses plus bas de cinq ans.
Cette déception au titre du quatrième trimestre a ramené la hausse des ventes annuelles en organique à 0,1% à peine, contre une progression déjà faiblarde de 0,8% à fin 2017. Elle s’explique notamment par une fin d’année difficile pour la grande consommation aux Etats-Unis, pas totalement compensée par une croissance honorable de 4,4% en Europe.
Les opérateurs ont donc vu rouge (il faut dire que le président du directoire Arthur Sadoun avait promis une accélération en 2018) et occulté l’amélioration de 60 points de base de la marge opérationnelle à 16,7% au terme de l’année écoulée grâce à une bonne maîtrise des frais généraux. De même n’ont-ils pas réagi aux annonces d’un programme de rachat d’actions de 400 M€ et d’une trésorerie nette positive de 196 M€, ainsi qu’à la confirmation des objectifs de moyen terme, à savoir une croissance organique de 4% (à horizon 2020) et une amélioration du taux de marge opérationnelle de 30 à 50 points de base (en 2019 et 2020).
Un business model plus que jamais en question
En fait, au-delà de cette panne de croissance, les analyses s’interrogent sur le business model même des agences de publicité, si disruptées qu’elles doivent aujourd’hui faire face à une concurrence de plus en plus féroce, notamment des fameux « GAFA ». A titre d’exemple, Amazon (NASDAQ:AMZN) étend de plus en plus ses activités sur le segment de la publicité et est aujourd’hui en mesure de proposer de plus en plus d’outils aux annonceurs pour faire la promotion de leurs produits.
Une évolution de nature à relancer l’hypothèse de l’adossement, souvent évoquée dans le secteur.
Mais contrairement à l’époque où la thématique des fusions avait le vent dans le dos, ce sont surtout sur des opérations capitalistiques entre le monde de la publicité et celui de l’informatique que table à présent la communauté financière. De quoi rendre des dossiers comme Accenture (NYSE:ACN) ou Capgemini (PA:CAPP) encore plus attrayants.
Auquel cas, Publicis ferait figure de proie, sachant que son flottant dépasse les 80% et que la capitalisation du groupe oscille désormais autour de 11 Mds€. Une somme à la portée de nombreuses bourses, surtout anglo-saxonnes, même avec une prime…
Pour l’heure, le récent décrochage de l’action l’a ramenée sur des niveaux assez attractifs, avec par exemple un PER de 10 ou encore une VE/Ebitda de 6. Chacun conviendra que cela n’est vraiment pas cher dans l’absolu, mais ces ratios ne sauraient éluder des interrogations de fond et qui ne sont pas « seulement » conjoncturelles, mais aussi structurelles.
Tout indique que la publicité est loin d’avoir fini sa disruption. D’où la nécessité d’une approche résolument prudente du secteur…