Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
On ne peut reprocher à ceux qui investissent dans l’or de se demander à quel moment les choses vont changer – pour le meilleur ou pour le pire. L’or pourrait se replier sous les 1 300$ ou bien s’envoler vers les tant attendus 1 400$. Selon moi, ce dernier scénario est le plus probable. Voici pourquoi.
▶ Les cours de l’or sont animés par trois principaux facteurs
(1) Le premier facteur, ce sont les achats de valeurs-refuges, fondés sur ce que l’on appelle le « facteur de la peur » (fear factor), lié aux événements géopolitiques et à la guerre financière, notamment les guerres commerciales.
(2) Le deuxième facteur est le niveau des taux d’intérêt réels, lequel est fonction des taux nominaux et de l’inflation. L’or ne génère pas de rendements et se trouve en concurrence avec les liquidités en matière d’investissement. Lorsque les taux réels augmentent, les liquidités deviennent plus attractives et cela freine le cours de l’or en dollars.
(3) Le troisième facteur est celui de l’offre et de la demande fondamentale. A cet égard, l’or est identique aux autres matières premières. Si l’offre est abondante et la demande faible en raison d’un sentiment médiocre, cela freine également le cours de l’or.
A tout moment, ces trois facteurs peuvent s’aligner ou l’écart se creuser. Ils peuvent tous les trois faire grimper ou baisser le cours de l’or. Lisez la suite pour comprendre quel poids a chaque facteur
Le tableau se complique dans la mesure où ces facteurs ne subsistent pas forcément sur un seul mode positif ou négatif – à l’égard de l’or. C’est souvent le cas mais, dernièrement, ils se montrent volatils.
▶ Les composantes du facteur Peur
Par exemple, les composantes du facteur « Peur » sont les conflits géopolitiques en Corée du Nord, Iran, Syrie et Russie, ainsi que les guerres commerciales qui se sont déclenchées récemment. Pourtant, toutes ces dynamiques font « un pas en avant, un pas en arrière ».
Un beau matin, le président Trump inflige 50 Mds$ de tarifs douaniers à la Chine. Le jour suivant, il annonce qu’il est prêt à négocier avec ce pays en toute amitié. Un autre jour, les Etats-Unis lancent des missiles de croisière sur des cibles, en Syrie, tout près des troupes russes. Le jour suivant, Trump fait savoir qu’il veut inviter Poutine à la Maison-Blanche. Le même type de virevolte géopolitique caractérise les relations avec la Corée du Nord ainsi que les accords sur le nucléaire avec l’Iran. Il faut ajouter à ce mélange un surcroît de volatilité provenant de l’enquête menée par le procureur spécial Robert Mueller sur « l’ingérence russe », et les intrigues au sein du département de la Justice et du FBI.
Bref, le facteur « peur » a ses bons et ses mauvais jours, ce qui maintient le cours de l’or au sein de sa fourchette de transaction, et fait obstacle à toute envolée ou tout effondrement.
Les taux d’intérêt réels sont un frein plus persistant, pour l’or, en raison de la double dose de resserrement monétaire opérée par la Fed. La Fed relève les taux d’intérêt mais, en même temps, détruit de l’argent via la réduction de son bilan : le resserrement quantitatif (QT).
Ce resserrement a fait augmenter les taux d’intérêt nominaux. Mais les données n’affichent aucune inflation significative. Alors, à mesure que les taux nominaux augmentent, les taux réels augmentent aussi, ce qui n’agit pas en faveur du cours de l’or. Le troisième facteur, celui de l’offre et de la demande fondamentale, joue en faveur de l’or. La Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie et d’autres pays achètent un maximum d’or sans pour autant impacter le marché : le but étant de ne pas faire augmenter le coût de leurs acquisitions. Dans le même temps, la production d’or mondiale stagne. Inutile de croire à la notion de « pic de production » de l’or pour constater que la production d’or mondiale stagne à 3100 / 3150 tonnes par an depuis 2015.
Ce plafonnement de la production d’or s’explique en partie par le fait que de nombreux projets d’exploitation minière ont été fermés lors de l’effondrement du cours de l’or en 2013. Une partie de cette capacité est désormais réactivée, mais le processus est long. Cinq à sept ans peuvent s’écouler avant de réunir les capitaux et autorisations permettant de relancer une mine d’or, et de la rendre de nouveau productive. En attendant, la capacité stagne alors que la demande persiste. Il y a là tous les ingrédients d’une hausse des cours. Donc, la situation est mitigée. Les taux d’intérêt réels sont un frein ; les fondamentaux sont favorables ; et le contexte géopolitique joue les arbitres. Par conséquent, l’or évolue au sein d’une fourchette en attendant une résolution définitive, et que ces facteurs s’alignent.
▶ Tous ces facteurs militent pour une progression des cours de l’or
Considérant ce modèle des trois facteurs et leur extrême variabilité, que nous révèlent nos modèles d’analyse prédictive du système PROPHESY, concernant les perspectives du cours de l’or et des minières aurifères au cours des mois à venir ?
En ce moment, notre système nous indique que le cours de l’or est prêt à augmenter fortement sur le reste de l’année 2018. Cette hausse des cours de l’or se reflètera également dans la forte hausse des minières aurifères de qualité.
L’élément essentiel qui me laisse penser que l’or sortira à la hausse de ce canal de consolidation est la persistance du « facteur de la peur » associé à des fondamentaux favorables, alors même que l’obstacle que représentent les taux d’intérêt s’atténue.
En ce qui concerne le facteur de la peur, et en fonction des gros titres quotidiens, les tendances sont résolument négatives malgré certaines journées ou semaines de répit. Les guerres commerciales ne sont pas qu’une pantomime, et ne relèvent pas seulement de « l’art de la négociation ». Elles comportent une dynamique qui prend le dessus et s’autoalimente malgré les meilleures intentions des joueurs. Il existe un risque considérable que les guerres commerciales montent d’un cran et se propagent, générant ainsi un ralentissement de la croissance mondiale ainsi que des difficultés financières sur les marchés émergents.
De la même manière, la dernière confrontation en date avec l’Iran ne fait que commencer. Israël est prêt à frapper le Hezbollah au Liban, les Etats-Unis sont prêts à déchirer l’accord sur le nucléaire iranien. L’Arabie Saoudite « cherche la bagarre » à cause des attaques persistantes menées par les rebelles houthis au Yémen. Les Etats-Unis et la Corée du Nord ont peut-être appuyé sur le bouton « pause », en ce qui concerne leur conflit, mais cette crise n’est pas résolue pour autant. Attendez-vous à ce que les tensions géopolitiques et financières s’aggravent, ce qui donnerait une impulsion au cours de l’or en dollars. Les fondamentaux de l’offre et de la demande sont déjà favorables à une hausse des cours de l’or. Ces fondamentaux vont persister et, de surcroît, devenir plus favorables à l’or. Plus la Russie et la Chine s’opposeront aux Etats-Unis, plus l’Amérique pèsera avec les sanctions économiques. Or ces dernières sont presque toujours fondées sur le dollar, et concernent le système de paiement en dollars ainsi que les banques qui s’en servent.
▶ Quand la Russie et la Chine tentent d’échapper au dollar
Pour échapper à la pression américaine, la Russie et la Chine tentent de se soustraire au système du dollar grâce à leurs achats d’or, leurs swaps de devises, et en innovant dans le domaine des crypto-monnaies. Ces pays se rapprochent du stade auquel ils n’auront plus à passer par les systèmes de paiement en dollar. L’affaiblissement du dollar qui en résultera équivaut à une hausse du cours de l’or en dollar.
Enfin, la hausse des taux d’intérêt réels est pratiquement arrivée en bout de course. La Fed sous-estime l’impact de son resserrement monétaire sur l’économie américaine. Ces prochains mois, la Fed devra marquer une pause dans le relèvement de ses taux, probablement en septembre. Cette pause infléchira le dollar à la baisse et risque de provoquer davantage d’inflation. Le contexte d’un assouplissement de la politique de la Fed est idéal pour une envolée du cours de l’or.