Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Selon le CFMD (Centre for Microeconomic Data) de la Banque centrale de New York, l’encours de la dette totale des ménages américains a augmenté de 193 milliards de dollars au dernier trimestre 2017. Il atteint ainsi un sommet inégalé de 13 150 milliards de dollars à la fin de l’année 2017. Cela englobe les prêts hypothécaires, étudiants, automobiles et cartes de crédit. Au sommet de la bulle du crédit en 2008, la dette non hypothécaire avait culminé à 2 700 Mds$. Elle a bondi de +41% en 10 ans, à 3 800 Mds$.
▶ Petit point sur les différentes dettes US
L’encours de la dette hypothécaire, à 9 300 Mds$, s’est accru de près de 400 Mds$ en 2017. Près de 1 ménage sur 2 (soit 47%) y consacre 30% de ses revenus. 11 millions de ménages doivent mobiliser 50% et plus de leurs revenus. Cela les expose à un défaut quasi assuré en cas de perte d’emploi ou de maladie impactant les revenus du travail. Les auto-entrepreneurs encourent un risque maximal dans ce domaine.
Selon la dernière étude de Forbes, l’encours des prêts étudiants s’impose désormais en deuxième position derrière la dette hypothécaire avec un encours de 1 380 Mds$. Oui, presque un trilliard et demi, réparti entre 44 millions d’emprunteurs qui supportent une dette moyenne individuelle de 37 200$ ! Les dernières statistiques émanant des banques américaines font état de plus de 20% d’emprunteurs en difficulté. Et la courbe des prêts en défaut devient tellement exponentielle que 40% de la dette étudiante pourrait être à risque d’ici 2025 (tous groupes démographiques et toutes classes d’âge confondues).
La dette liée aux cartes de crédit (+ crédit revolving) a enregistré la deuxième augmentation la plus importante au quatrième trimestre, avec +26 milliards de dollars (et environ +100 Mds$ en 2017). Elle atteint désormais les 1 020 Mds$. Cela représente une dette de 16 200 $ en moyenne par ménage.
Enfin, l’encours de crédit automobile se situe au-delà de 1 200 Mds$ dont une large part de prêts subprime. Mais contrairement à 2006/2007, les emprunteurs ne peuvent se prévaloir d’une plus-value latente sur le bien sous-jacent. En effet, plus de 60% des emprunteurs perdent de la valeur à la revente. Ils doivent alors emprunter plus d’argent pour racheter un nouveau véhicule. Le nouveau prêt est augmenté de la fraction non remboursée du précédent.
▶ Dettes ? Les banques se frottent les mains
Les banques adorent cette forme de fuite en avant. En effet, elle leur permet de facturer des intérêts supérieurs de 300 points au taux de référence à 10 ans (2,90%). Et elles répercutent intégralement le surcoût de l’argent (+80 points sur l’ensemble de la courbe en 12 mois) dans le taux imposé aux emprunteurs. Ces derniers s’endettent généralement sur 72 mois. En ce qui concerne les emprunts hypothécaires à 30 ans, le taux offert aux meilleurs profils (disons aux 1% les plus riches) vient de se renchérir de 100 points de base depuis juillet 2016, passant de 3,50 à 4,5%. Cela représente un surcoût de +33%. Pourtant, dans l’intervalle, les salaires n’ont progressé que de +4,3% en 18 mois !
Présenté comme cela, l’effet de ciseaux paraît saisissant. Mais il faut relativiser. En effet, le taux moyen depuis septembre 2011 est de précisément 4,5% et les 3,40% constituaient des planchers historiques. Une autre approche consiste à comparer le montant total des intérêts restant dus par les ménages par rapport au précédent pic historique de 2007, lorsque les taux hypothécaires flirtaient avec les 6,50% (et le « 30 ans » avec les 5,50%). Alors qu’ils se situent encore 200 points de base plus bas, la masse des intérêts à rembourser vient de franchir tous les sommets jamais observés au XXIe siècle. Et cela va maintenant s’accélérer au rythme de la dérive des taux longs, que les banques centrales ne contrôlent plus !
▶ La Fed ne doit pas envoyer de mauvais signaux
En ce qui concerne les taux courts, la Fed ne s’est pas reconstitué une marge de manoeuvre suffisante pour contrer la récession que la dégradation des conditions de financement de l’économie risque de précipiter. Elle pourrait faire savoir qu’elle est prête à assouplir de nouveau sa politique en 2018. Mais cela enverrait un très mauvais signal aux marchés. Ces derniers extrapolent une croissance à +3% (promise par Donald Trump) d’ici 2020 et en déduisent un taux de progression des bénéfices déjà considéré comme insoutenable. Et cela enverrait un encore plus mauvais signal au Forex (le marché des changes) alors que le dollar est déjà extrêmement vulnérable, on l’a vu.
Donc, compte tenu de la chute du dollar depuis 1 an, la vraie question à se poser est non pas « pourquoi les marchés boursiers se sont effondrés début février » mais « pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour que cet accident se produise ? »