Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Un enchaînement de cinq replis en six séances sur le S&P500, une série de six séances de repli sur sept sur le Nasdaq (dont un record absolu à 8 164 points le 5 mai dernier, au beau milieu de la série baissière) : voilà un scénario pour le moins déroutant et qui crée beaucoup de confusion dans les esprits !
Serait-ce un reflet de la confusion mentale qui semble régner à la Maison-Blanche, et plus particulièrement dans le bureau ovale ?
Entre les attaques répétées contre la FED, les promesses d’un accord commercial sino-américain imminent, mais sans cesse repoussé, ou encore la mise au ban de l’Iran avec pour prétexte le terrorisme alors même que c’est le principal allié des Etats-Unis dans la région – l’Arabie Saoudite – qui soutient objectivement le salafisme et mène une guerre de terreur au Yémen, il y a en tous les cas matière à perdre ses repères.
Les marchés veulent cependant se convaincre que Donald Trump « fait du Trump » et que derrière ses gesticulations, que beaucoup jugent primaires et souvent grotesques, il y a un homme qui défend réellement les intérêts de l’Amérique et qui se préoccupe de la santé des marchés.
Si la forme (de l’exercice du pouvoir) n’est pas parfaite, Wall Street n’en demeure pas moins convaincu que le fond est bon (les options économiques et géostratégiques), ce que confirment d’ailleurs les sondages, avec un taux d’approbation de l’action présidentielle de 45% au sein des électeurs américains.
Un rally d’une longueur sans précédent
Après tout, qui ne se laisserait pas griser par une croissance de 3,2% au premier trimestre obtenue intégralement à crédit et la promesse d’un cycle d’expansion économique qui ne semble plus devoir connaître de fin ? Jamais un rally de Wall Street (associé à une phase de croissance du PIB) n’avait duré plus de six ans (1994/2000) en un demi-siècle et aucun n’avait dépassé neuf ans depuis la Première guerre mondiale, mais la barre des dix ans a été pulvérisée en mars dernier.
De quoi accréditer la thèse de l’avènement d’un nouveau paradigme économique. De quoi aussi commencer à croire en la pertinence de la « MMT » (Modern Monetary Theory), que les arbres peuvent effectivement monter jusqu’au ciel, et que des « licornes » aux sabots vernis et aux crinières vaporeuses gambadent dans les prairies célestes et s’entraînent à sauter par-dessus les arcs-en-ciel.
A propos de licornes, c’est ce jeudi que la plus grande d’entre elles, Uber (NYSE:UBER), va faire son entrée en Bourse, avec une valorisation un peu inférieure aux 100 Mds$ dont Wall Street rêvait encore un mois auparavant. Un énorme défi pour le spécialiste américain de la mobilité, qui va devoir faire la preuve de sa capacité à s’accommoder de l’attraction terrestre et à franchir non plus des arcs-en-ciel dans le cloud, mais des séries d’obstacles verticaux de plusieurs milliards de dollars de déficits, durant plusieurs années.
La levée de fonds qui va se dérouler ce 9 mai permettra à Uber de tenir de nombreux trimestres, mais sûrement pas de démontrer avant longtemps sa capacité à devenir bénéficiaire, considérant que le groupe a déploré un déficit record de 3,3 Mds$ l’an passé.
Lyft (NASDAQ:LYFT) , son principal concurrent outre-Atlantique, récemment introduit à Wall Street, enchaîne quant à lui les déboires boursiers, sur fond d’une perte de 1,1 Md$ au premier trimestre 2019 (la plus importante de son histoire), et affiche désormais un recul de 15% par rapport à son cours d’IPO.
Comme le « papier » se fait rare du fait des 800 à 900 Mds$ de « buybacks » opérés chaque année depuis la « tax reform », les gérants ne peuvent cependant rester à l’écart de ce genre d’introductions en Bourse.
Les algorithmes gardent la main
D’une manière plus générale, au quotidien, les algorithmes semblent toujours mener la danse et s’emploient à entretenir la croyance dans le principe consistant à « payer les creux ». Schématiquement, les indices perdent pied, chutent brutalement alors que la contrepartie acheteuse s’évapore, mais des mains solides viennent toujours sauver les supports au dernier moment.
Le CAC40 en offre une belle illustration, ayant effacé en l’espace de quatre séances tous ses gains depuis le 1er avril (215 points de perdu), comme un copier/coller du scénario du 19 au 25 mars, quand l’indice phare était grosso modo passé de 5 600 à 5 385 points.
Le CAC « GR » affiche un scénario graphique identique, mais un écart apparemment différent (- 465 points entre 14 814 points et 14 349 points début mai, contre – 565 points fin mars entre 14 308 points et 13 743 points). La différence provient de la prise en compte des dividendes déjà détachés par les composantes du CAC40 « PX1 », soit environ 100 points d’indice.
Autrement dit, tout semble sous contrôle et parfaitement orchestré, afin d’éviter que s’installe la peur d’une prééminence de l’actualité économique et géopolitique.