Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
La Corée du Nord, les cyclones, les contorsions sémantiques de Mario Draghi qui n’enrayent pas la hausse de l’euro… Beaucoup de sujets de nervosité pour les marchés mais au final, CAC40 et Euros-Stoxx50 finissent la première semaine de septembre inchangés, sur une quatrième semaine de consolidation horizontale et avec une volatilité hebdo inférieure à 0,4%. (je vous renvoie à l’analyse hebdo de Gilles du CAC40 pour voir quel signal attendre et anticiper la suite).
Une telle absence de volatilité sur 4 semaines est archi-rare… La seule période comparable était la « phase de distribution » de début mai à fin juillet 2011. Et il est difficile d’en tirer un caractère prédictif, cette stagnation de 3 mois s’étant soldée par une rupture baissière, mais un autre épisode à peu près comparable de début août à fin octobre 2012 avait débouché sur une belle hausse. L’analyse des « récurrences techniques » ne nous apprend donc pas grand-chose et c’est peut-être le dicton de grand-mère « la tendance est votre amie » qui nous apporte un semblant d’éclairage : les indices dessinent un long corridor légèrement baissier, donc il est plus confortable de vendre les rebonds. Les optimistes rétorqueront que payer les creux, ça marche aussi à tous les coups, et c’est tout aussi pertinent !
Se pourrait-il qu’une « divergence cachée » nous ait échappé ? Que les bandes de Bollinger ou les limbes de l’Ichimoku nous adressent un signal clair que nous nous obstinons à ne pas prendre en considération ?
▶ Suivre l’argent
Pour l’heure, nous tentons d’identifier des « signaux furtifs » et comme un de nos principes consiste à suivre « où va l’argent », nous suivons attentivement l’évolution des marchés obligataires, à plus forte raison lorsque la Fed doit se réunir dans les prochaines 48 heures. Nous observons alors un phénomène plutôt troublant : depuis début juillet, la courbe de rendement des Bunds est similaire à l’évolution du DAX, du CAC40 et de l’EuroStoxx. Le rendement du Bund est parti de 0,6% et le voici testant les 0,3%. Les actions étant censées évoluer à l’inverse des rendements, au bout de plus de 2 mois, elles devraient avoir entamé une progression de type « funiculaire ». Mais non.
La cohérence est en revanche respectée entre les T-Bonds US partis de 2,62% début mars (pour atteindre 2,02% jeudi) et Wall Street où les indices ont enchaîné les records avant de se stabiliser. Le paradoxe concernant les performances des actions de part et d’autre de l’Atlantique se résout aisément en y faisant intervenir la variable dollar… Mais pour les marchés obligataires, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets : dettes en dollar et en euro s’apprécient de concert. Après un relèvement de +1,9% à +2,2% des anticipations de croissance en 2017 par la BCE, la détente des taux sur l’ensemble de la courbe constitue donc un autre paradoxe. Il serait tentant de le résoudre par l’attrait exercé par la tentation de détenir un actif libellé en euro, mais alors, le même raisonnement devrait s’appliquer aux actions… et ce n’est pas le cas.
La première explication qui me vient à l’esprit, c’est qu’une « force irrésistible » distord la valorisation des bons du Trésor, aussi bien au jour le jour que sur le moyen terme. Il y a pénurie de Bunds et d’OAT offrant des rendements supérieurs à -0,25%, donc la BCE pèse sur le rendement des maturités longues en ramassant tout ce qui reste disponible. De proche en proche, elle « fait son marché » en ramassant les catégories de moins en moins bien notées, les autres acteurs agissant de même… et de fragiles émissions « BB » se payent de nouveau plus cher que du « AAA » il y a 2 ans (été 2015). La conclusion que nous tirons de ce constat est trivialement banale : la BCE continue de gonfler la bulle obligataire tout en s’avérant incapable de stopper l’appréciation de l’euro… le « verbe magique » ne suffit plus.
Cela ressemble à un échec sur toute la ligne, mais cela fait peut-être partie d’un scénario bien orchestré dans lequel la Fed s’apprête à durcir le ton, et à faire resurgir les anticipations de hausse des taux mi-décembre. Même si elle n’en fera rien, il suffit que les cambistes le croient possible l’espace de quelques séances et le tour sera joué : l’euro fera marche arrière sous les 1,20 face au dollar. De quoi permettre aux indices boursiers de la zone euro de reprendre un peu de terrain d’ici ce vendredi 15 septembre (journée des 4 sorcières) et de finir le troisième trimestre sans casse. Allez, encore trois mois de gains sécurisés avant que le cyclone financier d’éclatement des multi-bulles frappe Wall Street !