Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Facebook (NASDAQ:FB) a jeté un énorme pavé dans la mare hier : le lancement, a priori l’an prochain, d’une cryptomonnaie baptisée « Libra ». Pleinement assumé, l’objectif du réseau social est rien de moins que « s’imposer dans les paiements, les services financiers et le commerce en ligne dans le monde entier ».
Une ambition colossale, mais étant donné le poids de Facebook et de son réseau (2,3 milliards d’utilisateurs, soit grosso modo un tiers de la population mondiale), cette devise numérique a bel et bien des chances de trouver son public. D’autant que le mastodonte de Mark Zuckerberg aurait déjà reçu le concours de 28 partenaires, parmi lesquels d’autres poids lourds comme Mastercard (NYSE:MA) et Visa (NYSE:V).
Comme il fallait s’y attendre, ce projet ne fait cependant pas l’unanimité, avec des autorités (c’est un vocable) qui ont très vite basculé en mode « touche pas au grisbi ». Car l’argent est la chasse gardée des gouvernements et des banques centrales, et il n’est pas question dans leur esprit qu’il en soit autrement.
Gronde planétaire
Que l’on s’amuse avec du bitcoin et diverses cryptomonaies virtuelles passe encore, mais qu’un groupe de l’envergure de Facebook essaye de toucher au magot et puisse remettre en question la mainmise des « autorités » sur leurs monnaies, c’est tout simplement impensable de leur point de vue.
« Que Facebook crée un instrument de transaction, pourquoi pas. En revanche, que ça devienne une monnaie souveraine, il ne peut pas en être question », a ainsi tonné le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. La France (qui préside le G7 cette année) a par ailleurs demandé un rapport sur le sujet pour le mois prochain aux banques centrales des sept pays membres.
Plus important encore, aux Etats-Unis, la présidente démocrate de la commission des services financiers de la Chambre des représentants Maxine Waters a exhorté Facebook à suspendre le développement du projet Libra tant qu’il n’aura pas été « été étudié par les parlementaires et les autorités fédérales concernées ».
Et de poursuivre : « avec l’annonce de son projet de création d’une cryptomonnaie, Facebook poursuit son expansion incontrôlée et étend son emprise dans la vie de ses utilisateurs. »
A contrario, et ce n’est pas surprenant non plus, le marché a salué l’annonce de Facebook. Pour ce qui me concerne, je ferai néanmoins extrêmement attention à ce dossier qui certes recèle un potentiel énorme, mais qui au vu de la rhétorique actuelle des décideurs risque fort de se voir torpiller par ces derniers.
Une action très volatile
Du point de vue de l’analyse technique, l’action est extrêmement volatile. Entre son plus haut de mi-juillet dernier (la pastille rouge + Résistance « R » à 220$) et son plus bas de fin 2018 sur le support « SLT » (la pastille verte), la baisse a ainsi été de 45% (!).
Actuellement, Facebook a vivement rebondi sur son support « S » vers 165 $, support par lequel passe la moyenne mobile 150 périodes (la flèche verte). Sauf qu’après l’annonce du lancement de Libra, le titre se trouve confronté à une résistance intermédiaire (« R.I ») qui se situe vers 195 $.
Une situation indécise sur le plan technique donc, avec un SMI toujours baissier, et une configuration qui plaide selon moi pour une temporisation, par-delà le « buzz » du marché.
D’autant qu’en termes de money management, si la résistance « R.I » devait céder, le potentiel pour remonter sur la résistance « R » est d’à peine 12%. Et dans l’hypothèse probable d’un tir nourri de la part des banques centrales et de ses « satellites » gouvernementaux, l’action aurait de fortes chances de retomber sur le support « S ».
De fait, nous avons ici un risque de gain sensiblement équivalent au risque de perte (les petites flèches bleues verticales) et une incertitude objective sur la façon dont le dossier va évoluer.
Last but not least, si Libra devait voir le jour, ce serait sous le contrôle d’une organisation indépendante (humm..) à but lucratif basée à Genève (re-hummm…). En faisant abstraction de l’effet d’annonce, il n’y a aucune raison pour que Facebook puisse en tirer profit. Et que le cours de l’action puisse en bénéficier…
Bonne séance,
Gilles