Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Les Etats-Unis et la Chine se sont réjouis d’annoncer qu’ils ont conclu un accord commercial « substantiel » de « phase I » qui signifie qu’ils pourraient entamer des pourparlers de « phase II » visant à définir les conditions d’un rapprochement des points de vue sur la liste des problèmes qui pourraient être examinés dans une « phase III ». Cette étape est indispensable avant l’entame de négociations constructives de « phase IV » et qui pourraient conduire à la formulation de solutions envisagées dans une « phase V » (ce qui pourrait prendre cinq semaines).
Si aucun grain de sable ne vient gripper le déroulement de ces cinq premières phases, des projets de signature d’accords partiels pourraient être définis au cours d’une sixième phase et se trouveraient formalisées lors d’une « phase VII »… Nous attendons par ailleurs de connaître le niveau d’avancée des négociations de « phase VI » avant d’envisager les scénarios les plus probables en phases VIII, IX et X.
Une des avancées décisives des négociations de « phase I » serait que les Etats-Unis pourraient (le conditionnel est ici de circonstance) cesser de classer la Chine parmi les pays qui manipulent leur devise (sachant que le yuan n’a pas plus reculé que l’euro au cours des 12 derniers mois, même si le calendrier de la baisse est un peu différent).
Donald Trump a également annoncé que la Chine s’était engagée à acheter plus de soja, ce qui entérine une promesse de Xi-Jinping remontant à janvier… 2018. L’Empire du Milieu achètera par ailleurs davantage de porcs, ce qui tombe à point nommé puisqu’une peste porcine décime actuellement les troupeaux du pays. Cela représenterait au total de 40 à 50 Mds$ d’achats, mais on peut se demander si ce montant n’aurait pas été atteint le plus naturellement du monde sans que ni le président américain, ni son homologue chinois doivent s’impliquer pour proclamer qu’il s’agit là d’une avancée majeure.
Trêve de plaisanterie, le moratoire sur les hausses de tarifs douaniers sur 250 Mds$ de produits chinois qui devaient entrer entre en vigueur mardi prochain constitue une réelle marque de détente de tensions commerciales. Pour autant, ne nous méprenons pas : cela signifie simplement que les choses restent en l’état.
Au point mort sur la propriété intellectuelle
Elles le restent également concernant Huawei, pour qui, en l’absence de discussions à son sujet, le boycott continue. Par ailleurs, s’agissant de la brûlante question de la propriété intellectuelle, elle fera partie des négociations de « phase II ».
Donald Trump a expliqué que ce sujet complexe se discutera « en face-à-face » avec Xi-Jinping, ce qui sous-entend que les négociateurs n’ont absolument pas avancé. Une façon de prendre la mesure du désaccord abyssal qui subsiste entre les deux pays.
Du reste, à chaque fois que le locataire de la Maison-Blanche a été interrogé sur un sujet où aucune avancée n’était identifiable, il a éludé et achevé sa non-réponse par la célébration du « magnifique accord » sur les produits agricoles qui va faire tellement de bien aux fermiers américains !
Pendant ce temps, au Proche-Orient…
Il est toutefois un autre dossier sur lequel il ne peut fanfaronner : le dossier syrien. A cet égard, Donald Trump a ordonné à toutes les troupes américaines de se retirer de la région au motif de l’escalade rapide du conflit au Kurdistan, une décision que Mark Esper, secrétaire à la Défense, a justifiée par « le danger croissant que représentaient les combats ».
Toutefois, nombre de membres du Congrès, la plupart des médias américains et les alliés européens considèrent que c’est précisément l’annonce du retrait américain qui a été interprété comme un feu vert pour une offensive de grande ampleur anti-kurde du président turc Erdogan.
Il est bien évident qu’un millier de soldats américains présents au Kurdistan syrien n’auraient pas pu stopper l’avancée de dizaines de milliers de troupes turques, déployées sur des centaines de kilomètres le long de la frontière syrienne et renforcées par d’anciens combattants de l’Etat Islamique ralliés à Ankara. Reste qu’Erdogan n’aurait pas pris le risque d’un incident frontal – même limité – avec le contingent américain de peur des représailles économiques promises par Donald Trump.
Résultat des courses : les Kurdes de Syrie, alliés des États-Unis dans la lutte contre Daech, n’ont eu d’autre choix que de renoncer à leur rêve d’indépendance et de s’allier dans l’urgence à Bachar el-Assad et à Vladimir Poutine.
Par-dessus tout, plus terrible encore, une nouvelle guerre démarre au Proche-Orient, une guerre de conquête patiemment planifiée par Ankara et qui se double d’une menace terroriste explicite à l’encontre de l’Europe.
Elle pose la question de l’appartenance de la Turquie à l’OTAN et en la matière, c’est également Donald Trump qui devra trancher. Ce qui sera beaucoup plus compliqué que d’ordonner un retrait des troupes américaines dont la seule présence maintenait le statu quo dans la région…