Ralentissement économique
Dans un contexte économique mondial difficile et malgré l’incertitude politique régionale grandissante, l’économie israélienne a continué d’enregistrer des performances remarquables jusqu’en 2011. Israël est le seul pays de l’OCDE (avec l’Australie et la Pologne) à n’avoir pas subi de récession économique en 2009. Sur la période 2008-2012 la croissance annuelle moyenne a été de 3.6% contre 0.6% pour l’ensemble des pays OCDE. Des sources de croissance relativement équilibrées entre moteurs internes et externes, le développement de secteurs de hautes technologies compétitifs et la qualité de la politique macroéconomique ont permis le maintien d’une activité soutenue. Cependant, depuis quelques trimestres, l’économie israélienne est clairement entrée dans une phase de ralentissement. En rythme annualisé, la croissance du dernier trimestre de 2012 a ralenti à 2.4% contre 2.7% le trimestre précédent. Au total, la croissance réelle du PIB devrait à peine dépasser 3% en 2012 contre 4.8% en 2011. Ce ralentissement est lié au déclin de l’investissement et des exportations. Si certains facteurs devraient continuer de soutenir la demande interne, il apparaît que les perspectives mitigées en terme d’exportation pourraient continuer de peser sur l’activité, au moins à court terme.
Soutien déclinant de la demande interne
La contribution de la demande interne à l’activité est assez contrastée. Révélateur d’une grande prudence quand aux perspectives économiques, l’évolution de l’investissement a marqué un retournement au cours des derniers trimestres. Cette tendance est nette dans le secteur productif (1/3 de l’investissement total) qui a décliné de 8% en rythme annualisé au cours du dernier trimestre 2012, après une baisse de 9% en T3 2012. La construction (résidentielle ou non) est elle aussi en repli, mais plus modérément, la demande de logements restant soutenue. Ce pessimisme des entrepreneurs est confirmé par l’évolution de l’indice PMI, qui est resté sous le niveau de 50 depuis mai 2012. Son retour à 53 en février dernier ne permet pas d’envisager un changement d’anticipation pour le moment. La consommation privée est relativement stagnante. La masse salariale globale continue de croître malgré un tassement de la population active. Le taux de chômage est reparti à la hausse en 2012, mais reste encore à un niveau relativement bas (6.9% de la population active fin 2012). Cependant, cette augmentation du taux de chômage s’accompagne d’une réduction du taux de participation. Ce dernier est déjà un des plus bas parmi les pays développés en raison du faible taux d’activité de certaines catégories de population (ultra orthodoxes et arabes israéliens notamment). La conjugaison de ces deux tendances pourrait constituer un frein à la reprise dans les trimestres à venir. Un autre élément qui devrait continuer à peser sur la consommation privée est la hausse de la pression fiscale. Le revenu disponible des ménages a été récemment réduit par des hausses d’impôts et de TVA. Ce mouvement risque de perdurer étant donné la nécessité de réduire le déficit budgétaire et les marges de manœuvre réduites concernant les dépenses.
La croissance de la consommation publique (environ ¼ du PIB) a accéléré au T4 2012 (+5.6% en rythme annualisé). Celle-ci a constitué un soutien important à la croissance économique, qui pourrait néanmoins se réduire à court terme étant donné la dégradation des finances publiques. Le déficit budgétaire de 2012 est estimé à plus de 4% du PIB, soit largement au-dessus de la limite fixée par le gouvernement (2%). La formation d’un nouveau gouvernement de coalition dirigé par le premier ministre Netanyahou et dont la politique budgétaire ne devrait pas être un sujet majeur de divergence, 1 PIB réel variation trimestrielle annualisée devrait favoriser la mise en place de mesures fiscales plus restrictives. Cependant, cela se traduira plutôt par des hausses supplémentaires de taxes que par une pression accrue sur les dépenses. En effet, les dépenses primaires civiles sont déjà les plus basses parmi les pays de l’OCDE (environ 32% du PIB contre 43% pour la moyenne des pays OCDE), ce qui laisse peu de marges de manœuvre à la baisse.
Difficultés à l’exportation
La dégradation des performances à l’exportation a fortement pesé sur l’activité. En rythme annualisé, les exportations industrielles de T4 2012 ont chuté de plus de 10%. Cette baisse résulte d’un certain nombre de facteurs : ralentissement économique dans les principaux marchés d’exportation, diversification géographique insuffisante et appréciation du Shekel. La forte exposition à l’UE (31% des exportations totales) et aux USA (24%) a pesé sur la croissance des exportations étant donné le ralentissement économique enregistré dans ces deux zones. Par ailleurs, même si elle est en progression régulière, l’exposition au dynamisme des marchés asiatiques reste insuffisante (20% des exportations, Japon inclus), notamment par rapport à d’autres exportateurs de produits de haute technologie tels que la Corée du Sud ou Taiwan. L’appréciation du Shekel depuis mi-2012, parallèlement à une dégradation marquée du solde commercial (-5.3% du PIB en 2012) est un sujet d’inquiétude grandissant pour les autorités monétaires. Par rapport à l’ensemble des pays émergents, le Shekel s’est sensiblement plus apprécié par rapport au dollar US. Les entrées de capitaux des non-résidents sur le marché de la dette locale en 2012 a été un des facteurs de soutien du Shekel.
Perspectives mitigées
Les prévisions de la banque centrale sont assez pessimistes pour l’année 2013, puisqu’elle prévoit une progression de l’activité limitée à 2.8% sans la prise en compte de l’activité du secteur gazier. La mise en production à partir de T2 2013 du champ gazier de Tamar devrait permettre une progression de 3.8% du PIB en 2013. A court terme, les contraintes sur la demande interne devraient perdurer, voire se renforcer. La mise en place de mesures d’austérité budgétaire paraît vraisemblable (avec un objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2013) même si le gouvernement israélien n’a pas de difficulté à financer son déficit. Les autorités font principalement appel au marché domestique, et gardent – si nécessaire – accès au marché international des capitaux à des conditions favorables (spreads à environ 200 pb). Par ailleurs, la dégradation de l’environnement politique régional (incertitude en Égypte, prolongement de la guerre en Syrie avec des conséquences probables sur le Liban, question nucléaire iranienne) a un impact négatif sur la consommation privée et le secteur touristique, et est un facteur de hausse des dépenses militaires (environ 20% des dépenses budgétaires totales) et donc de pression accrue sur les finances publiques. Les marges de manœuvre monétaires paraissent assez limitées. La banque centrale pourrait continuer sa politique de baisse graduelle du taux directeur, dans un contexte faiblement inflationniste, mais cette politique (-150 pb en 2012) n’a pas inversé le mouvement d’appréciation du Shekel. Il est vraisemblable que la banque centrale sera amenée à intervenir plus directement sur le marché des changes. Les perspectives de croissance en zone euro et aux États-Unis restent médiocre voire négatives pour 2013 (respectivement -0.5% et 2.5%). Le demande externe continuera de tourner au ralenti en 2013.
Au total, les perspectives de croissance sont mitigées à court terme et certains éléments pourraient accélérer cette tendance négative : une hausse supplémentaire des tensions politiques régionales ou un creusement de la récession en zone euro. A moyen terme, l’exploitation des ressources gazières devrait être un élément de soutien important pour la croissance (bien que peu créateur d’emplois) ainsi que pour la balance des paiements.
Pascal Devaux
pascal.devaux@bnpparibas.com