Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Wall Street commence à trébucher, les désinvestissements des épargnants et des gérants d’OPCVM se poursuivent et cela commence à se voir… Sauf qu’à chaque fois que les indices américains s’engagent sur la mauvaise pente, un tweet ou une déclaration de Donald Trump ou de son entourage vient renverser une situation qui paraissait très compromise.
C’est un peu comme dans un match de catch (un sport qu’affectionne le président américain) durant lequel le favori du public, attaqué en traître – à coup de chaise pliante – par le « méchant », s’effondre KO dans les cordes. L’arbitre se précipite alors pour le compter (sous les huées de la foule), mais juste au moment où il s’apprête à crier « out », le quasi-vaincu se redresse d’un bond.
Le favori titube, fait mine de retomber puis assène une monumentale manchette à son infâme adversaire, lequel s’effondre ensuite de tout son long. Il lève les bras en signe de victoire, le public exulte, mais l’arbitre prend alors tout son temps pour attaquer le décompte (toujours sous les huées de la foule) et c’est là que retentit le coup de gong qui marque la fin du round. Moyennant quoi, le suspens reste entier pour le tableau suivant !
Cela fait désormais quatorze mois qu’a débuté le match de catch commercial (avec sanctions et contre-sanctions douanières) entre les Etats-Unis et la Chine. Sur les marchés, cela a donné six mois de hausse, puis trois mois de baisse, puis quatre mois de hausse… et le public en redemande.
Les scénaristes, qui ont déjà régalé l’assistance avec ces quatorze premiers rounds de folie (dont 11 de hausse), vont-ils se surpasser pour le quinzième ?
Bipolarité présidentielle
C’est semble-t-il très bien parti, les coups de théâtre s’enchaînant à un rythme sans précédent depuis mars 2018, avec un Donald Trump omniprésent qui joue tantôt le personnage du « good cop », tantôt celui du « bad cop », tandis que les Chinois ont adopté le registre du gentil (tendance innocent) mais sont accusés de sournoiserie par le locataire de la Maison-Blanche.
Steven Mnuchin a pour sa part qualifié de « constructive » la rencontre de vendredi avec les émissaires chinois… qui se sont tout de même éclipsés au bout de deux heures (cela ressemblait à un claquement de porte, mais Washington assure que les négociations vont reprendre très bientôt).
Donald Trump a ensuite bombé le torse, estimant que « les Chinois n’ont plus comme seul espoir d’échapper aux surtaxes que de parier sur une victoire démocrate en 2020 ». Son vice-président Mike Pence a, lui, versé dans le triomphalisme samedi, invoquant une économie rugissante. Et d’expliquer : « les entreprises ont créé plus de 5,8 millions d’emplois, le chômage est à un plus bas de cinquante ans et jamais autant d’Américains n’ont travaillé dans l’histoire de ce pays. »
Des chiffres biaisés
Ce qui est peut-être vrai algébriquement parlant, mais faux en termes de pourcentage de la population puisque 90 millions d’Américains adultes et non-retraités ne travaillent pas, ce qui est un autre record historique, certes beaucoup moins glorieux. Au surplus, sur les 5,8 millions d’emplois créés, combien sont des jobs de quelques heures par semaines, précaires et mal payés ?
Il s’agit en réalité d’une majorité, et un grand nombre d’Américains doivent aujourd’hui cumuler 3 (mini) emplois pour pouvoir boucler leurs fins de mois.
De surcroît, près de 2% d’Américains ont atteint l’âge de la retraite sans avoir réussi à rembourser la totalité de leurs prêts étudiants et devront en conséquence poursuivre une activité jusqu’à leur mort, si leur santé le leur permet.
En Chine également, les études coûtent très cher, mais ce sont les parents qui s’endettent pour offrir les meilleures écoles puis universités à leur(s) enfant(s). Dans l’Empire du Milieu, le fardeau de la dette étudiante repose donc sur la génération “Y” plutôt que sur la génération “Z”.
Mais si les « millenials » sont pour l’instant épargnés par le surendettement, ils seront tout de même nombreux à devoir subvenir aux besoins de leurs parents, dont les retraites s’avèrent insuffisantes.
Au global, les systèmes américain et chinois présentent donc des faiblesses criantes et des problématiques intergénérationnelles croissantes. Dans les deux cas, la dette (croissance à crédit) s’accumule au-dessus de la tête de la génération « Z ». Le point de non-retour se rapproche…