Nous sommes certainement face à un changement majeur de direction du dollar américain qui pourrait avoir lieu à l’occasion de l’un des trois évènements suivants:
- le discours de politique générale de Donald Trump lors de la session conjointe des deux chambres du Congrès le 28 février prochain;
- la réunion du FOMC de la banque centrale américaine les 14 et 15 mars prochains;
- le G20 Finance à Baden Baden en Allemagne les 17 et 18 mars prochains.
A cette époque en février, tous les prédécesseurs de Donald Trump avaient déjà annoncé leur programme et leur politique économiques pour les cinq années à venir. Ce n’est pas le cas de l’actuel président. Il va donc certainement concentrer ses efforts sur l’un des trois évènements majeurs évoqués (vraisemblablement la session conjointe des deux chambres du Congrès) afin de dévoiler sa stratégie économique. Les attentes sont élevées sur le plan fiscal, par rapport à l’abrogation de l’Affordable Care Act, et au sujet de sa politique commerciale qui pourrait inclure des déclarations sur la « politique de taux de change injuste de la Chine et de l’Allemagne ».
En considérant qu’America First ne soit pas seulement un slogan mais traduise aussi un impératif de politique économique, il est probable que l’accent soit mis par les Etats-Unis sur le commerce international dans leurs relations avec leurs partenaires. Cela ferait sens étant donné que le déficit commercial est considéré par Donald Trump comme la raison principale des pertes d’emplois observées ces 30 dernières années aux Etats-Unis. Parmi les pays affichant l’un des plus importants excédents du compte courant à l’égard des Etats-Unis, on retrouve l’Allemagne avec un montant de 59,6 milliards de dollars en 2016 (contre 15,8 milliards de dollars pour la France). Le pays se trouve en troisième position, derrière la Chine (319 milliards de dollars) et le Japon (62,4 milliards de dollars). Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’administration Trump est dans la continuité de l’administration Obama sur le sujet puisqu’en avril 2016 le Département du Trésor américain avait placé cinq pays, dont l’Allemagne, sur une nouvelle liste de surveillance visant à faire pression sur les gouvernements concernés pour qu’ils s’attaquent aux grands déséquilibres commerciaux avec les Etats-Unis.
La différence majeure réside dans le fait que la nouvelle administration pourrait prendre des mesures supplémentaires pour contraindre ses partenaires commerciaux. Afin de soutenir les exportations et de réduire le déficit commercial, Donald Trump pourrait favoriser une politique du dollar faible. Deux stratégies sont envisageables :
- Un nouvel accord du Plaza qui est évoqué depuis quelques années mais qui n’est pas crédible en l’état en se basant sur une analyse du dollar américain. Le taux de change réel du dollar a augmenté de 20% au cours des cinq dernières années mais cette appréciation est encore inférieure de 20% à celle de la première moitié des années 80. En outre, le niveau du dollar index en réel est actuellement inférieur de 15% au point de fragilité atteint au moment du Plaza ;
- Une option plus crédible dans un premier temps pourrait reposer sur une communication régulière de l’administration Trump mettant l’accent sur la faiblesse des devises des partenaires commerciaux par rapport au dollar couplée à une stratégie de durcissement de la politique monétaire de la part de la Fed qui, historiquement, a freiné l’appréciation du dollar. En s’appuyant sur la parité de pouvoir d’achat, le dollar est surévalué de 9% face au dollar canadien, de 15% face à l’euro, de 22% face à la livre sterling.
Pour la zone euro, la politique du dollar faible devrait inciter la BCE, malgré les réticences allemandes, à maintenir un biais accommodant plus longtemps que prévu. Bien que la banque centrale n’ait pas défini de taux de change optimal, il semble qu’elle privilégie depuis ces dernières années une marge de fluctuations de l’euro/dollar entre 1,07 et 1,10. La différence de cycle économique et monétaire entre les deux bords de l’Atlantique devrait permettre de limiter les conséquences négatives d’un dollar faible pour l’Union.