En cette fin décembre 2017, le Bitcoin dépasse les 15 000 dollars, alors qu’il avait débuté l’année à environ 975 dollars. La progression stupéfiante et la forte volatilité de la plus célèbre des monnaies cryptées amène à s’interroger sur l’avenir de la monnaie virtuelle.
Le succès des crypto monnaies liés à une hypothétique percée technologique majeure
Une faiblesse des transactions journalières de mauvais augure
À l’image du Bitcoin, principale crypto monnaie en termes de capitalisation et de prix, la plupart des crypto monnaies auraient besoin pour décoller ou pour rebondir d’une percée technologique majeure. En effet, le Bitcoin est aujourd’hui dépassé en matière de capacité technique et d’attractivité pour ses utilisateurs. J’en veux pour preuve la faiblesse des transactions journalières dans cette devise (à peine plus de 300 000), incompatible avec les ambitions mondiales affichées par la célèbre crypto-monnaie. Les autres crypto-devises, moins populaires, font face au même problème, mais de façon plus marquée encore.
Des frais de transaction colossaux qui freinent le développement de la plus célèbre des crypto monnaies
Autre point à soulever : les frais de transaction du Bitcoin sont colossaux. Ils dépassent aujourd’hui les 5 dollars par transfert, mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg, le coût réel d’un transfert doit inclure une récompense pour le mineur (le « producteur » de Bitcoin) de 12,5 BTC par bloc (contenant environ 2 200 transferts).
Un impact écologique qui devrait tempérer l’engouement des particuliers et institutionnels
Enfin, on ne peut parler du Bitcoin sans parler de son caractère énergivore. L’usage de la cryptomonnaie la plus connue entraîne une consommation d’énergie record dont se sont émus les sites spécialisés avant que l’information ne soit reprise dans tous les medias grand public à la fin de l’année 2017. Chaque transaction en bitcoin nécessite autant de kilowattheures qu'un foyer américain sur une semaine. Le blog Digiconomist estime que le protocole et l'infrastructure informatiques du bitcoin consomment au total plus de 26 térawattheures d'électricité par an, soit 26 000 milliards de wattheures. Et l'énergie consommée en un an par le bitcoin pourrait alimenter 2,35 millions de foyers américains. LCI se demande aujourd’hui si le Bitcoin peut conduire à « un véritable désastre écologique » et Le Point parle d’un « impact écologique désastreux ». Les superlatifs alarmistes ne manquent pas !
Soulignons toutefois que la technologie du Bitcoin est relativement dépassée par rapport à d’autres crypto monnaies comme le Litecoin, l'Ethereum ou le Ripple. La transaction en Bitcoin prend beaucoup de temps avant d’être validée et est particulièrement énergivore. Mais même si la technologie blockchain peut avoir un impact révolutionnaire sur notre façon de vivre et que le Bitcoin a l’avantage d’être un précurseur en la matière, il est pour l’instant très difficile d’imaginer une utilisation généralisée de la crypto-monnaie dans un futur proche si celle-ci ne s’accompagne pas d’une percée technologique majeure.
Les monnaies cryptées : un scandale financier ?
La cryptodevise : un actif qui repose sur… rien !
Comme le souligne si bien le PDG de JP Morgan qui a récemment qualifié le Bitcoin de plus grande arnaque de l’histoire : « sa valeur ne repose sur aucun actif réel et son taux de change ne représente pas la valeur d’une économie ou une parité de pouvoir d’achat », « la très forte volatilité de ses cours le disqualifie pour l’instant comme actif de refuge contrairement à l’or ». Cette affirmation est évidemment vraie pour l’ensemble des monnaies cryptées. À quoi alors servent-elles ?
Monnaies virtuelles : des actifs taillés pour la spéculation
Pour la plupart des investisseurs, les monnaies cryptées servent avant tout à s’enrichir en pariant sur une hausse des cours. Évidemment quelques pirates informatiques ou des cartels ou trafiquants en tous genres s’en servent pour déplacer des capitaux hors circuits traditionnels et blanchir de l’argent sale, mais la très grande majorité des personnes qui investissent dans les crypto-monnaies le font dans l’espoir de les revendre plus chères à une autre personne, sans se soucier de la valeur réelle de l’actif. C’est ce que l’on appelle de la spéculation.
Vers un krach mémorable ?
Rajoutons comme le rappellent la Compagnie des CGPI dans un communiqué publié en novembre 2017 que les risques liés aux cryptomonnaies sont légion : « Absence de réglementation spécifique, risques associés à la documentation d'information, de pertes en capital, de volatilités ou d'absences de marché, d'escroqueries et de blanchiments » qui considère ni plus ni moins que ces produits « préparent le prochain plus gros krach financier de l'histoire ». Pour beaucoup en effet, « la question n'est pas de savoir si la bulle va éclater, mais quand."
Les crypto-monnaies : l’avenir de la monnaie ?
Des limites technologiques et réglementaires qui sonnent comme des défis
Et si finalement les limites technologiques actuelles des monnaies virtuelles n’étaient que des défis technologiques à surmonter, qui, une fois réglés, ouvriraient la porte à un monde dans lequel la crypto devise est la règle ? Et si l’on créait une réglementation spécifique à ses actifs et que ces derniers étaient rattachés à une monnaie de référence ?
Christine Lagarde lors de la conférence Independence 20 Years organisée par la banque d’Angleterre en septembre 2017 expliquait : « À l’heure actuelle, les monnaies virtuelles comme Bitcoin ne représentent pas encore de menace pour l’ordre existant des monnaies fiduciaires et des banques centrales. Pourquoi ? Parce qu’elles sont trop volatiles, trop risquées, trop énergivores, parce que les technologies sous-jacentes ne sont pas suffisamment scalables, que beaucoup d’entre elles sont trop opaques pour les régulateurs et que certaines ont été piratées. Mais beaucoup de ces défauts ne sont que des défis technologiques qui pourraient être surmontés avec le temps. »
Des crypto-monnaies régulées et émises par les banques centrales ?
La patronne du FMI ajouta ensuite « Citizens may one day prefer virtual currencies », soit, en français, « Les citoyens pourraient un jour préférer les crypto-monnaies ». Même s’il est peu probable que les crypto-monnaies existantes remplacent un jour les devises traditionnelles, Christine Lagarde juge cependant « essentiel que les banques centrales, garantes de l'impression et de la circulation des monnaies, étudient la possibilité d'émettre leur propre cryptomonnaie ». L’avènement de monnaies nationales digitales et décentralisées, comme par exemple un « euro digital » émis par la Banque centrale européenne est sans doute plus proche qu’on ne le pense et semble bien être le véritable avenir de la monnaie cryptée.
Louis Yang, rédacteur en chef du Cafe de la Bourse