Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Allez, on va arrêter de se faire peur avec l’Italie et l’Espagne et remettre les pendules à l’heure : des taux courts (à 2 ans) qui explosent de -0,20% vers 2,9% en 3 semaines et de 260 points de base en 72 heures, ce n’est tout simplement pas humain !
Certes, il existe bien un catalyseur évident qui fait la une de tous les médias. De l’avis unanime, la crise politique en Italie ne présage rien de bon… mais de là à observer des écarts d’une telle ampleur en quelques heures sur le marché obligataire italien, il a fallu que les robots s’en mêlent.
Ils sont à l’origine d’un enchaînement de ventes stop qui a déclenché des rafales de ventes à tout prix puis, de proche en proche, une cataracte de ventes panique : c’est le second « flash-krach » de l’année – après celui du VIX début février.
Je connais beaucoup de professionnels qui s’agaçaient de me voir décrire des marchés subordonnés jusqu’à la caricature aux automates de gestion et accros à l’hyper-fréquence… Aujourd’hui, ils sont heureux de me voir démontrer que ce sont des anomalies dans l’évaluation quantique du risque sur des intervalles de temps de l’ordre du millième de seconde qui provoquent des scénarios de marché aussi paroxystiques qu’absurdes.
Cela illustre bien l’adage selon lequel tout ce qui excessif est insignifiant.
▶ Il y a juste un algorithme à corriger…
Il ne s’agit donc « que » d’une anomalie, d’un simple « bruit » de marché (certes un peu assourdissant). Dormez tranquille, braves gens : cette situation devrait vite être corrigée – comme ce qui s’était produit pour le krach du VIX. La machine est conçue pour apprendre de ses erreurs : quelques lignes de code en plus et, c’est sûr, tout va rentrer dans l’ordre.
Je suis cependant moins optimiste que les ingénieurs dont les programmes se sont substitués aux traders et aux gérants discrétionnaires, car c’est la sophistication même des logiciels de contrôle et de gestion du risque qui rend le système incontrôlable…
Qui oserait encore affirmer qu’une parcelle d’analyse clairvoyante de notre quotidien s’insinue et imprègne deux opérations d’achat et de revente du même actif dans un intervalle humainement imperceptible.
Qui imagine encore que plus le nombre de transactions augmente, plus l’addition des informations accroît l’omniscience du marché ?
Le seul référent qui conditionne une opération, c’est l’écart (même infime) généré par la précédente, répétée des milliers de fois au cours de la même seconde. Quelle forme de sagesse immanente peut donc acquérir un logiciel dont la vocation prioritaire est d’être plus rapide que ses concurrents dans l’identification d’une structure technique qui surgit en quelques nanosecondes et qu’aucun œil humain n’aura jamais le loisir de contempler ?
▶ Des marchés de plus en plus volatils
Et si les marchés peuvent apprendre quelque chose d’eux-mêmes cette année, c’est qu’ils deviennent beaucoup plus volatils : nous avons eu quatre variations du VIX de plus de 30% en l’espace de quatre mois, contre seulement trois en quatre trimestres en 2017 (l’année la moins volatile de l’histoire).
Les mouvements chaotiques ne sont cependant pas l’apanage des dettes souveraines et des indices boursiers : plusieurs devises de premier plan à l’échelle mondiale – je ne parle pas du dollar, de l’euro et du yen – ont enregistré des écarts supérieurs à 20% ces trois derniers mois. Le billet vert lui-même vient de reprendre 8% depuis début avril… pas seulement contre l’euro, mais contre un panier de devises internationales.
C’est la rançon de l’effet de richesse ! Et sur ce point-là, nous pouvons être rassurés : les ultrariches ne s’alarment ni du « volatgeddon » (le surnom du mini-krach du VIX début février), ni des turpitudes politiques qui agitent l’eurozone, et continuent de dépenser leur fortune de la même façon que leurs ancêtres, et les ancêtres de leurs ancêtres…
Avec Donald Trump aux manettes, il n’a jamais été aussi tendance que de dépenser de l’argent comme des milliardaires, dans des actifs rares et chers, et de se moquer éperdument de ceux qui produisent cet argent par leur travail… et qui en plus payent des impôts, ces imbéciles !
Et selon le milliardaire John Templeton qui, lui, n’appartient pas à cette catégorie de pauvres idiots, « le bon moment pour investir en Bourse, c’est quand on a de l’argent ».
Cet adage n’a connu aucun démenti à Wall Street depuis mars 2009, puisque la Bourse est devenue un système de cours administrés par les banques centrales.
Il reste qu’en matière d’argent, les systèmes « administrés » (planification centrale à la soviétique), tout comme ceux laissés totalement livrés à eux-mêmes (comme le marché du crédit américain en 1929 et en 2008), partagent un point commun : ils se terminent inévitablement par une faillite.
2018 représente la conjonction du pire de ces deux mondes… à la puissance hyperfréquence !