Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Connaissez-vous Jean-Luc Ginder ? Cet économiste a rédigé un article dans le Huffington Post qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux.
Son intitulé fait il est vrai froid dans le dos : « Une crise financière trente fois plus puissante qu’en 2008 est imminente, mais nous sommes dans le déni ».
Et cet expert de souligner que « le baril de poudre financier est sur le point d’exploser », avec un résultat final qui sera « une fulgurante déflagration financière laminant des économies entières, des nations » et une prochaine crise « pire que celle de 2008 ».
De quoi faire des cauchemars !
Mais où Jean-Luc Ginder va-t-il chercher tout cela ? Avait-on déjà vu des anticipations aussi alarmistes à la une de la presse mainstream ? Qu’en pensent ceux pour qui la crise était loin derrière nous, avec des taux ultra-bas pour les 12 à 18 prochains mois nous garantissant une prospérité sans nuage et des marchés inexorablement orientés à la hausse ?
Nous concéderons bien quelques chamailleries commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, quelques tensions autour du Golfe Persique et une fâcheuse tendance de Donald Trump à accuser la FED ou l’Iran de tous les maux.
Les marchés actions ne lâchent toujours rien…
Wall Street s’en est toutefois accommodé et ce n’est certainement sans excellentes raisons que les indices américains sont remontés à 2% de leurs records absolus à une semaine jour pour jour de la séance des « 4 sorcières ». Après avoir escaladé le mur de la peur, les marchés devraient être récompensés par la dissipation des nuages qui obscurcissent l’horizon et enchaîner sur de nouveaux records.
Le S&P500 et le Dow Jones ne sont cependant pas les seuls à tutoyer les sommets puisque le CAC40 GR (dividendes réinvestis) gravitait mardi dernier à moins de 1% de son zénith des 14 800 de fin avril.
La semaine qui s’est achevée vendredi n’en fut pas moins un peu décevante, ayant vu les places européennes stagner de façon assez singulière au sein d’un corridor particulièrement étroit. Pour autant, le CAC40 et l’EuroStoxx50 n’ont rien lâché, malgré les tweets de Trump, des statistiques macroéconomiques médiocres et deux pétroliers en flamme en Mer d’Oman. Il leur en faudra certainement bien davantage pour qu’il en soit autrement…
Nous pardonnons aisément le pessimisme dont fait preuve Jean-Luc Ginder, qui a tout de même le mérite de ne pas partager la foi inébranlable en l’infaillibilité des « sherpas » (banques centrales et banques hyper-systémiques) qui nous guident infailliblement au milieu des icebergs de dettes et de déficits, et, depuis un mois, des mines géopolitiques du Golfe Persique.
… et le pétrole n’a pas flambé
En ce qui concerne ce dernier risque, revenu hanter les salles de marché depuis le 13 mai dernier (quatre navires ont été mystérieusement endommagés au large des Emirats Arabes Unis), soyons pragmatiques et ne cédons pas au sensationnalisme. Les spécialistes des commodities ont-ils perdu leur sang-froid ? Le pétrole a-t-il flambé ?
C’est tout le contraire ! L’or noir a en effet brièvement testé les 72$ au lendemain des premiers « incidents » (mi-mai) avant de dévisser dans la zone des 60$ trois semaines plus tard... Il n’a en outre repris que 2$ malgré les accusations de Mike Pompeo qui désigne l’Iran comme l’auteur des attaques, sans le moindre commencement de preuve ni la mise en évidence d’un mobile crédible (ce qui n’a du reste pas échappé aux marchés).
Nous mettrons donc l’alarmisme de Jean-Luc Ginder sur le compte d’un naturel un peu trop impressionnable à la vue de montagnes de dettes de la taille du Mont Blanc (185 000 Mds$ d’après ses calculs) et face aux flux d’argent gratuit qui déferlent tel le Rhin en crue au printemps au pied du building de la BCE à Francfort.
Il suffit juste que quelqu’un le mette au parfum des miracles accomplis via la mise en œuvre de la théorie monétaire moderne.
En ce qui concerne le Huffington Post, on se demande vraiment pourquoi ils ont choisi la mi-juin pour publier un tel article. Les épargnants sont en train de préparer leurs vacances d’été et si ça se trouve, ils ne vont pas partir l’esprit tranquille alors que franchement, il n’y a aucune raison de redouter le pire !
Les taux sont en effet au plus bas, les marchés au plus haut et ces derniers ont toujours raison. Jean-Luc Ginder devrait le savoir, au lieu de mettre en doute la stabilité du système financier et l’infaillibilité des banques centrales…
Imaginez enfin que des lecteurs du « Huff » se mettent à leur tour à en douter et que la contagion gagne les salles de rédaction des médias financiers : vous nous connaissez, nous saurons y résister !