Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Les jeux étaient faits dès la mi-séance à Wall Street : la publication des minutes de la FED (compte-rendu de la dernière réunion du FOMC) hier à 20h fut parfaitement indétectable dans l’évolution des indices américains qui n’ont même pas subi le moindre décalage, ne serait-ce que de 0,05% dans un sens ou dans l’autre.
Le compte-rendu des discussions a confirmé que les points de vue sont très partagés sur la nécessité d’abaisser agressivement les taux à l’issue des prochaines réunions.
Une majorité de membres de la FED semble encore considérer que l’économie américaine ne justifie pas de telles mesures… mais ce point de vue semblait cohérent il y a 3 semaines, avant la publication d’une série de mauvais chiffres d’activité qui ont propulsé les anticipations de réduction de taux lors de la prochaine réunion (le 30 octobre) à plus de 80%.
Jerome Powell a répété que la banque centrale “continuera d’agir de manière appropriée” pour soutenir la croissance et il confirme au passage que la Fed envisage des rachats de bons du Trésor pour compléter son bilan, à mesure que certains instruments viennent à expiration.
Des marchés toujours sous perfusion
La FED injecte depuis 3 semaines des liquidités supplémentaires au jour le jour après un épisode d’assèchement du marché interbancaire survenu dès le 16 septembre et elle avait prévu de le faire jusqu’à ce jeudi 10 octobre. Or, hier soir, il y avait toujours preneur pour une vingtaine de milliards de dollars.
Si la banque centrale devait poursuivre ces injections demain, cela pourrait signifier qu’un “QE-4” serait bientôt officialisé, en délaissant peut-être l’appellation “QE“… mais les marchés auront alors la confirmation que la situation est “tendue” et il leur sera impossible de faire l’impasse sur des questionnements anxiogènes et qui induisent des réponses le plus souvent désagréables.
Avec le franchissement du cap du trilliard (1 000 Mds$) d’endettement supplémentaire, les Etats-Unis exercent une ponction considérable sur l’épargne mondiale.
Paradoxalement, l’Europe – lourdement endettée – se refinance gratuitement… mais cela tient beaucoup moins à la confiance inébranlable des créanciers qu’à la promesse de voir la valeur des bons du Trésor libellés en euro s’apprécier, parce que la BCE leur garantit un gain certain si les conditions économiques se dégradaient un peu plus sévèrement.
Si la fixation de la valeur de cet Himalaya de dettes échappait aux banques centrales, c’est à dire si les lois du marché devaient s’appliquer dans toute leur rigueur (trop de dettes = trop de risques), tout le monde sait, et la FED comme la BCE mieux que personne, qu’une apocalypse financière pourrait s’enclencher et que nul ne serait en capacité de l’enrayer.
La volatilité recule avec un VIX en baisse de 8%
En « forçant » les liquidités à migrer vers les actions, les banques centrales entretiennent le système pervers de “la queue qui remue le chien”: c’est la hausse des indices boursiers qui entretient artificiellement l’optimisme des agents économiques, et non l’inverse.
Tout doit donc être fait pour interdire l’amorce d’une correction, et cela passe par un maintien sans faille du contrôle exercé sur la volatilité des actions, ce qui fut orchestré avec maestria par les “sherpas” de Wall Street mercredi soir, puisqu’un modeste rebond de 0,9% du S&P500 s’est accompagné d’une spectaculaire détente -sans commune mesure- du VIX, de -8% vers 18,65.
Si, malgré tout, les actions finissaient par chuter, comme début octobre 2018, alors la confiance dans l’avenir s’effondrerait et la récession prendrait rapidement la forme d’une dépression de part et d’autre de l’Atlantique.
Et aujourd’hui, il est déjà admis que le moindre ralentissement conjoncturel placerait nombre d’emprunteurs dans une situation inextricable: ils ne survivent déjà que par la magie de taux zéro alors que leur risque de défaut est maximal.
Que le chiffre d’affaire -et les cash flows- s’amenuisent, même à la marge, et il leur deviendra impossible de rembourser le principal !