Il n’y a pas si longtemps, les obligations « High Yield », une fois pricées sur le marché primaire, s’envolaient de plusieurs points dès les premières transactions sur le secondaire.
Ces dernières années, avoir la chance de pouvoir se positionner sur le marché primaire était d’ailleurs quasiment synonyme d’une assurance certaine de gains rapides et faciles.
Mais si on analyse l’évolution de plusieurs grosses émissions bouclées au cours des deux dernières semaines, cette tendance pourrait toutefois être derrière nous ou tout du moins, marquer le pas.
Dernière victime en date, la chaîne américaine d'hôpitaux Tenet Healthcare qui a levé mardi 3,8 milliards de dollars d’obligations qui se traitent sous leur prix d’émission.
Il y a aussi Hertz, l’un des plus importants loueurs de voitures au niveau mondial, qui a augmenté de 25% la taille de son émission remboursables en 2022, à 1,25 milliards de dollars, pour faire face à la demande importante du marché. Peu de temps après l'annonce de cette émission, le rating initialement attribué par S&P s'est par ailleurs vu être dégradé de BB à BB-, favorisant la baisse du cours.
Signalons enfin que les deux nouvelles obligations émises par PetSmart Inc, l’un des leaders nord-américains dans la distribution de nourriture animale, se traitent elles aussi sous leur prix d’émission. A titre d'exemple, l'emprunt senior non-sécurisé évolue aux alentours des 97% du nominal, contre un prix d'émission de 99%.
Une tendance inhabituelle
Cette nouvelle tendance inhabituelle que l’agence Bloomberg dépeint comme « un cas de remord instantané développé chez les investisseurs de la première heure » se distingue surtout dans le cas d’obligations émises par des émetteurs fortement endettés.
Une tendance qui laisse par ailleurs à penser que l’inquiétude des investisseurs est grandissante envers les poches du marché les plus risquées.
Selon Gautam Khanna, gestionnaire de portefeuille chez Insight Investment (706 milliards de dollars sous cette gestion), 'si cette tendance persiste, il y pourrait éventuellement se développer une crise des acheteurs pour les nouvelles émissions à venir'.
Rappelons tout de même que le marché « High Yield » en dollar affiche un return de plus de 5% depuis le 1er janvier, si l’on en croit l’évolution de l'indice Bloomberg High Yield USD.
« Un certain degré de prudence »
Les analystes de la banque américaine Wells Fargo évoquent eux 'une certaine prudence justifiée par des actions potentielles de la Fed et par l'incertitude autour de la réforme fiscale et des mesures de relance budgétaire promises par l’administration Trump.
Wells Fargo a conseillé la semaine passée dans une note à adressée à ses clients de se concentrer sur les obligations notées dans le haut de la catégorie « High Yield ».
Bill Gross, gestionnaire des quelque deux milliards de dollars du fonds Janus Henderson Global Unconstrained Bond Fund, explique lui que le risque n’a jamais été aussi élevé depuis 2008.
'Plutôt que d’acheter à des cours attractifs et de revendre plus haut, les investisseurs achètent haut et croisent les doigts', a expliqué le célèbre financier américain de 73 ans, à l’occasion d’un sommet organisé par Bloomberg à New York.