En achetant EMC pour 67 milliards de dollars, Dell signe l’une des plus importantes fusions dans le secteur technologique, mais pas seulement. Le groupe américain pourrait aussi établir un nouveau record en termes de levée de dette « High Yield », ce qui ne laisse pas les intervenants de marché indifférents.
Selon le Financial Times, le numéro trois du PC compte faire appel au marché de la dette spéculative à hauteur de 10 à 15 milliards de dollars, dans le cadre du financement de l'acquisition d'EMC. Au-delà de sa taille, les observateurs s’interrogent sur le timing de l’opération. Elle intervient en effet dans un contexte quelque peu dégradé pour le segment de la dette à haut rendement. Le ralentissement de l’économie chinoise, la chute du prix des matières premières ou encore les anticipations d’une hausse des taux de la Fed ont incité les investisseurs à devenir plus exigeants en termes de prime de risque ces dernières semaines. Dell pourrait donc être obligé de proposer une rémunération relativement élevée pour convaincre les investisseurs.
Par ailleurs, la question de l’évolution et de la situation de l’endettement du groupe Dell constituent un autre foyer d’inquiétudes pour les investisseurs. En réponse, le fabricant d'ordinateurs a annoncé qu’il publierait ses états financiers, une fois l’acquisition d’EMC terminée. La compagnie espère ainsi augmenter ses chances de réussite de fusion. « Nous avons besoin d’obtenir le financement du deal », a déclaré le directeur financier de Dell, Tom Sweet, à Bloomberg. Retour à la case départ donc pour le groupe d'informatiques qui, en se retirant de la cote il y a quelques années, avait voulu réduire son exposition aux marchés.
Chute des emprunts EMC
Dans l’immédiat, la perspective de voir Dell racheter EMC a déjà eu des conséquences concrètes pour les créanciers obligataires. Les emprunts de la société cible ont lourdement chuté, ceux du groupe de Michaël Dell quant à eux résistent.
Pour ne citer qu’un exemple, le titre Dell d’une maturité égale au 1er avril 2021 et d’un coupon de 4,625% n’a pas beaucoup bougé depuis le 12 octobre dernier, date de l’annonce du rapprochement entre les deux entreprises. Il se négocie ce vendredi à 97% du nominal, soit un rendement de 5,26%.
La situation est par contre bien différente au niveau des emprunts EMC. Pour n'épingler qu'elle, l’obligation EMC Corp/MA d’une maturité égale au 1er juin 2023 et d’un coupon de 3,375% est actuellement disponible à 85,90% du nominal alors qu’elle se traitait à des prix supérieurs au pair avant l’offre de Dell. Son rendement est de 5,707%.
Le marché a donc visiblement requalifié le risque lié à la détention des obligations EMC, s’ajustant sur l’entité la plus faible. Dell est un émetteur au rating « BB » (« High Yield ») chez Standard & Poor’s. EMC bénéficie pour sa part d’un « A » (« Investment Grade »), mais plus pour longtemps visiblement. Standard & Poor's vient en effet de placer la note de la société cible sous surveillance avec implication négative. La notation de Dell a par contre été confirmée, assortie d'une perspective stable.