Les gouvernements européens vont émettre des quantités massives d'obligations vertes dans les mois à venir, car les investisseurs - y compris les banques centrales - sont attirés par les possibilités d'investissements durables.
L'UE elle-même prévoit de vendre 225 milliards d'euros d'obligations vertes au cours des quatre prochaines années. Le chancelier britannique du Trésor, Rishi Sunak, a annoncé la semaine dernière son intention d'émettre les premières obligations vertes l'année prochaine afin de maintenir le statut de Londres en tant que centre financier de premier plan.
Le Royaume-Uni accueillera la conférence sur le changement climatique COP26 l'année prochaine à Glasgow, et faire de la City une plaque tournante du financement vert fait partie du plan du chancelier.
La France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Hongrie, la Pologne et la Suède font partie des 16 pays qui ont déjà émis des obligations consacrées à des projets d'infrastructure à faible intensité de carbone ou à d'autres objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). L'Italie déclare qu'elle émettra sa première obligation verte plus tard cette année ou au début de la nouvelle année.
La résurgence du COVID stimule-t-elle les initiatives de durabilité ?
Les émissions d'obligations vertes souveraines européennes ont totalisé l'équivalent de 10,3 milliards de dollars au cours des neuf premiers mois de l'année, selon la Climate Bonds Initiative.
La résurgence du COVID-19 en Europe peut aider le marché des obligations vertes, car elle rappelle que les pays doivent investir dans la durabilité.
L'UE prend très au sérieux les investissements "verts" et a même établi une taxonomie de ce qui rend un investissement vert afin d'éviter le redoutable écoblanchiment des fonds et autres émetteurs qui cherchent à s'attirer les faveurs des investisseurs.
Le règlement sur la taxonomie, proposé pour la première fois en 2018, est entré en vigueur en juillet. Il ne concerne pas directement les obligations d'État, mais les gouvernements nationaux ont tendance à suivre les critères de l'UE lorsqu'ils élaborent leur propre cadre pour les obligations vertes.
L'obligation doit généralement financer l'atténuation du changement climatique ou l'adaptation à celui-ci, l'utilisation durable de l'eau et des ressources marines, la promotion d'une économie circulaire, la prévention ou le contrôle de la pollution, ou la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
L'Allemagne, par exemple, jumelle son émission d'obligations vertes avec une obligation conventionnelle ayant le même coupon et la même échéance. Sa première émission d'obligations vertes, d'un montant de 6,5 milliards d'euros à 10 ans, a attiré 33 milliards d'euros d'ordres en août, ce qui a permis à Berlin de réduire d'un point de base le rendement de son jumeau conventionnel (une économie que les investisseurs ont surnommée le "greenium").
L'Allemagne a lancé sa deuxième obligation verte de 5 milliards d'euros au début du mois, à un moment particulièrement mal choisi, le 4 novembre, au moment même où les rendements de ses obligations classiques ont chuté en raison des résultats incertains des élections américaines. Le Bobl à cinq ans, comme on appelle les obligations à moyen terme, avait un coupon de 0 % et son prix était légèrement supérieur à 104 pour un rendement de moins 0,83 % et il a à peine suscité une demande suffisante.
Les investisseurs ont également critiqué l'Allemagne pour avoir levé de nouveaux fonds afin de payer les dépenses passées au lieu de les affecter à des projets actuels ou futurs. Berlin vise à établir une courbe de rendement complète pour ses obligations vertes et Sunak a déclaré le même objectif pour le Royaume-Uni.
La France a la particularité d'avoir lancé la plus grande émission d'obligations vertes à ce jour, avec son obligation à 22 ans émise pour la première fois avec 7 milliards d'euros levés en janvier 2017.
La question de savoir si le gouvernement américain émettra des obligations vertes sous une nouvelle administration est un autre impondérable pour le marché, car les bons du Trésor américain, dont l'encours de la dette a maintenant gonflé à plus de 20 000 milliards de dollars, constituent le marché des titres d'État le plus important et le plus liquide.
Si le président élu Joseph Biden rejoint l'accord de Paris, comme il l'a promis, et s'il respecte sa promesse de 2 000 milliards de dollars de dépenses en infrastructures vertes, cela pourrait donner un nouveau souffle au marché européen des obligations vertes.