Depuis plusieurs années, la Livre turque se déprécie versus l'euro. A l'heure où la Banque Centrale de République de Turquie procède à la baisse de taux la plus importante depuis 17 ans, diminuant le taux directeur de 4,25%, Oblis analyse les arguments pour ou contre le maintien de la Livre turque en portefeuille.
Une devise qui s'affaiblit d'années en années
Depuis plusieurs années, la Livre turque s'affaiblit par rapport aux devises occidentales et notamment versus l'euro. Une tendance qui s'est accentuée en 2018 suite aux sanctions économiques américaines et à l'augmentation des droits de douane frappant l'acier et l'aluminium turc.
Les investisseurs qui détiennent des obligations émises dans cette devise en portefeuille ne peuvent que constater et déplorer cette dépréciation de la devise. Car si ces obligations servent des coupons élevés, appréciables dans un contexte de taux faibles voire négatifs en euro, ces coupons élevés ne suffisent toutefois pas à compenser la dépréciation de la Livre turque.
Une fois l'obligation arrivée à maturité se pose la question de son réinvestissement. Faut-il convertir la devise en euro ou dans une autre devise ou conserver les Livres turques et réinvestir dans une obligation émise dans cette devise ?
Arguments Pro & Contra le maintien de la Livre turque en portefeuille
Deux grilles d'analyses sont possibles selon que l'on adopte une vision à court terme ou à long terme.
A court terme, peu d'éléments en faveur de la Livre turque
Le pays, très dépendant des capitaux extérieurs, a maintenu jusqu'à aujourd'hui des taux d'intérêt parmi les plus élevés au monde afin de juguler une inflation qui, au début de cette année, atteignait près de 20%. Ces taux élevés attirent les investisseurs étrangers à la recherche de rendement. Or, pour des raisons historiques que nous avons mentionnées dans notre article début avril, la Turquie est très dépendante des capitaux extérieurs. Et d'une certaine manière, à leur merci. Maintenir des taux parmi les plus élevés au monde, c'est conforter les investisseurs qui cherchent du rendement. Abaisser les taux, c'est prendre un risque.
C'est pourtant ce que vient de faire la Banque Centrale de la République de Turquie (BCRT). Elle a procédé à la plus importante baisse de taux jamais effectuée depuis 17 ans en abaissant son taux directeur de 4,25% d'un coup, à 19,75%.
Après s'être heurté au refus du précédent Président de la BCRT qui avait refusé toute baisse de taux et fut pour cela limogé, le Président Erdogan est parvenu à ses fins. Le nouveau Président de la CBRT a en effet considérablement réduite le taux directeur, notamment en raison de la baisse de l'inflation pointée aux environs de 14% et donc en baisse rapide.
Alors que les analystes tablaient sur une baisse de taux plus limitée, ils se montraient négatifs pour l'évolution de la devise. Cette dernière, après l'annonce de la CBRT, est empreinte d'une grande volatilité.
Cette action surprise de la BCRT pointe aussi une des faiblesses majeures de la Turquie : l'interventionnisme du Président Erdogan dans la conduite de la politique monétaire de son pays. La marge de la banque centrale est étroite entre un Président interventionniste qui veut des taux plus bas pour relancer une économie en récession et les marchés financiers qui risquent de pénaliser la devise si l'assouplissement est jugé trop important. C'est donc la crédibilité de la Banque centrale qui se joue, une crédibilité cruciale pour conserver la confiance des investisseurs étrangers.
Autre point faible : les provocations continues du Président Erdogan à l'égard des Etats-Unis (achat récent de missiles sol-air à la Russie alors que la Turquie est membre de l'OTAN). Elles pourraient entraîner de nouvelles sanctions économiques de la part des USA, qui affaibliraient encore l'économie et la devise. Sans aller jusque-là, ces provocations créent une incertitude que les investisseurs n'apprécient pas.
A moyen et long terme, des raisons d'être plus optimiste
La Turquie est une une puissance économique en devenir, avec de nombreux atouts. Sa population est jeune et éduquée. D'autre part, avec plus de 80 millions d'habitants, c'est un marché potentiel important pour les pays européens.
A noter aussi que, au carrefour de l'Occident et de l'Orient, la Turquie est partenaire de la Chine dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie. Autant d'éléments sur lesquels la Turquie peut fonder sa croissance économique future.
Un argument plus cynique concernant la devise peut aussi être pris en compte. Après une dépréciation aussi importante de la Livre, la marge de diminution de sa valeur se réduit. Prendre une perte maintenant alors que depuis 5 ans, la perte latente s'élève à plus de 50% versus l'euro, n'est rationnel que si l'on est pessimiste pour l'avenir.
Ajoutons aussi qu'il est souvent intéressant d'adopter une approche " contrariante", c'est à dire à contre-courant de la majorité, surtout si l'on investit dans une optique à moyen ou long terme. Et dans ce cas, de conserver la devise.
Réinvestir en Livres turques
Pour ceux qui décideront de réinvestir en devise turque, nous épinglons quelques possibilités d'investissement.
Des obligations aux coupons élevés et pour certaines d'entre-elles, aux cours largement sous le pair. Comme elles devraient être remboursées à 100% à l'échéance, ces obligations permettent de tabler sur une plus-value.
Pour comprendre en quoi c'est intéressant, visionnez la dernière vidéo d'Oblis TV. Alexandre Goldwasser y explique l'avantage que l'on peut retirer de cette caractéristique.
Par ailleurs, il est intéressant aussi quand c'est possible, de choisir des obligations qui comptent peu de jours d'intérêt couru.