On ne peut pas reprocher le volontarisme de la BCE pour faire repartir l’inflation en zone euro. Après la forte déception de décembre, Draghi s’est rattrapé en mars en annonçant une large série de mesures, visant notamment à faire pression sur l’euro.
C’était sans compter sur la présidente de la FED…
Reprenons. Fin 2015, alors que le baril poursuit sa glissade et que l’euro flirte avec les 1.1500$ (effet négatif sur l’inflation), le président de la BCE hausse le ton et rappelle que la BCE reste prête à intervenir si nécessaire. Plusieurs membres de la BCE utilisent courant novembre cette même rhétorique imprégnant ainsi le marché d’une tonalité accommodante qui permet au CAC40 de continuer à flirter avec les 5000 points et à l’euro de chuter de 1.1500$ à près de 1.0500$ en à peine plus d’un mois.
La réunion de décembre a apporté son lot de déceptions avec des décisions jugées insuffisantes par le marché par rapport aux espoirs générés. Face à la poursuite de la chute du pétrole et à la remontée de l’euro à plus de 1.1300$ en début d’année, Draghi et les membres de la BCE vont donc continuer à se montrer accommodants mais sans tomber dans les « excès » oraux précédents la réunion de décembre. Suffisant pour renvoyer l’euro à 1.0800$ et générer un rebond des indices européens, aidés par la remontée du pétrole.
Et c’est là qu’interviennent les membres de la FED…et sa présidente. Face à l’appréciation du dollar et à une macroéconomie américaine toujours mitigée, le comité de politique monétaire décide, lors de la réunion de mars, de faire une pause dans le cycle de relèvement des taux, arguant de la faiblesse de l’économie et des risques potentiels que cela représente pour l’économie US. Ce statu quo monétaire envoie l’euro à plus de 1.1300$ sachant que cette décision intervient quelques jours seulement après la décision de la BCE d’accroître fortement son soutien monétaire à la zone euro (nouvelle baisse des taux, hausse des achats d’actifs mensuels, extension du Quantitative Easing à d’autres classes d’actifs et mise en place d’une nouvelle tranche de prêts ciblés).
Mais le dernier acte de cet affrontement à distance entre FED et BCE est intervenu récemment. Durant les 15 derniers jours, plusieurs membres de la FED se sont exprimés dans les médias (Williams, Lockhart et Bullard notamment) en mettant en avant la bonne tenue de l’économie américaine dans un contexte mondial morose (avec les inquiétudes persistantes sur la Chine et les émergents). Au point de relancer la possibilité d’une hausse de taux au 2ème trimestre, dès le mois d’avril pour Bullard, ou d’ici juin pour les autres. Le mot « live », qualifiant les réunions pendant lesquelles une hausse de taux peut intervenir a même refait son apparition.
Ces interventions plutôt musclées, alors que les marchés n’anticipaient pas de nouvelle hausse avant au moins le 3ème trimestre, ont eu pour effet de lifter un peu le dollar face à l’euro et ont entrainé un ralentissement du rebond des marchés actions.
Mais Janet Yellen, mercredi soir, a envoyé un message diamétralement opposé. Elle a insisté sur la nécessité d’une approche prudente sur les taux, a montré son inquiétude sur le momentum du ralentissement chinois, sur le risque d’une nouvelle baisse du pétrole pour l’économie américaine et sur l’incertitude des perspectives d’inflation. Au point d’évoquer la mise en place d’une nouvelle « guidance » spécifique et d’un nouvel assouplissement monétaire (QE) « si nécessaire ».
L’euro s’est envolé au-dessus de 1.1300$ suite à cette intervention pour flirter avec les plus hauts de février-mars…niveaux qui en octobre dernier (alors que le baril évoluait sur des niveaux plus élevés) avaient déclenché les interventions orales musclées du président de la BCE.
Janet Yellen complique donc la tâche de la BCE qui utilise en partie le levier des changes pour lutter contre la baisse des prix. Et pour ne rien arranger, un des principaux indicateurs de la BCE pour anticiper la trajectoire de l’inflation à moyen-terme (swap d’inflation 5Y5Y) continue de s’affaisser malgré la densité et l’amplitude des nouvelles mesures annoncées en mars.
Le tout avec un baril (WTI et Brent) retombé sous les 40.00$... La tâche de la BCE est donc loin d’être terminée, dans un contexte où le rythme des réformes économiques ne suit pas la cadence monétaire.