Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Pronostiquer ce que pourrait être le comportement boursier de Tesla (NASDAQ:TSLA) est devenu un exercice dangereux. Le constructeur californien de voitures électriques n’a en effet de cesse de défier les lois de la gravité et de repousser les limites de la rationalité.
Son fondateur, le fantasque milliardaire Elon Musk, s’y était tout de même risqué au printemps dernier (cf. la flèche rose sur le graphique ci-après). Fait rarissime dans l’univers boursier : le patron d’une grande entreprise cotée mettait alors en garde la communauté financière face à ce qui lui semblait une valorisation excessive.
Le titre cotait à l’époque autour de 700 $. Quelques mois plus tard, le voilà proche des… 2 100 $, soit un impressionnant triplement de valeur. A croire qu’Elon Musk savait quelque chose que le marché ignorait (et s’est bien gardé de le dire), ou que les opérateurs sont en train de commettre une grave erreur d’appréciation.
Quoi qu’il en soit, l’action Tesla affiche un gain impressionnant de… 390% depuis le début de l’année, un décollage qui ne saurait être imputé à une amélioration des résultats financiers ou à un relèvement des perspectives. Le chiffre d’affaires a même reculé et le bénéfice net est resté stable entre le 31 décembre et le 30 juin dernier.
Afin de tenter de comprendre ce qui est en train de se passer, il nous faut en fait regarder la façon dont tournent les rouages de la finance 2.0… et comment elle peut pousser la valorisation de certaines entreprises sur des niveaux littéralement ubuesques.
Merci les GAFAM !
Rappelons pour commencer que Tesla fait partie des indices Nasdaq 100 et Nasdaq Composite, aujourd’hui « cornaqués » par les GAFAM. Si l’un d’entre eux annonce de bons résultats, mécaniquement, lesdits indices montent. Dès lors, les gérants de fonds, trackers et autres produits indiciels sont obligés d’acheter du Tesla pour suivre les indices en respectant leur composition.
Afin d’étayer mon propos, je vous soumets un autre exemple. Quand on achète un ETF qui réplique le CAC40, on achète aussi bien du LVMH (PA:LVMH) que du Renault (PA:RENA). De même, acheter un tracker sur des pommes supposerait d’acheter l’ensemble de l’étalage, aussi bien des pommes mûres et juteuses que des pommes pourries.
Tout cela pour dire qu’avec les produits de gestion « passive » ou indicielle qui ont déferlé sur le marché ces dernières années, vous achetez tout un indice ou un secteur d’un seul « clic », et donc aussi bien les bons et mauvais élèves qui le constituent.
Une véritable aubaine pour Tesla, qui a largement profité des excellentes performances des GAFAM, lesquelles ont fait naître un important flux d’achat sur le constructeur. Et même si son dirigeant tire la sonnette d’alarme, le marché est pour ainsi dire contraint de suivre.
Cerise sur le gâteau, Tesla est parvenu, certes non sans mal, à aligner quatre trimestres de rentabilité, ce qui lui permettrait d’entrer dans la composition du S&P500. Si cette tendance à la profitabilité devait se confirmer, ce qui est probable, les trackers et gestions passives ciblant l’indice élargi américain devraient suivre et acheter à leur tour du Tesla.
C’est le résultat de l’intelligence artificielle de la finance 2.0 et il n’est maintenant plus impossible que l’action grimpe jusqu’à 3 000 $. « Une pomme par jour éloigne le médecin, pourvu que l’on vise bien », disait Winston Churchill.
Gare à la « barrière » des 2 000 $
Si l’on s’en remet aux graphiques et signaux techniques, la zone des 2 000 $ risque cependant de poser problème. Dans l’immédiat, les volumes sont à l’achat et portent l’action (la pastille jaune en partie basse du graphique), mais cette dernière a atteint à la fois la résistance oblique (en rouge) de son grand canal haussier (bleu) et un support (en vert) dont les impacts (les flèches oranges) ont été validés par les prix.
Enfin, au niveau technique, il apparaît sur l’indicateur de tendance MACD que la vague d’extension actuelle arrive sur une « plus haut » susceptible de se transformer en double top (voir les pastilles oranges en milieu de graphique). Une telle configuration en « double top » de vague d’impulsion s’est déjà produite au premier trimestre, et si la crise du Covid-19 était passée par là, la sentence n’en a pas moins été sévère.
A noter que l’action fera l’objet d’un « split » vendredi prochain après la cloche. Plus exactement, les actions ordinaires seront divisées par cinq, tout comme le prix de l’action. L’objectif est de rendre les transactions plus accessibles aux particuliers, pour lesquels le prix actuel du titre peut être un frein à l’achat. Affaire à suivre…
Bonne séance à tous,
Gilles