Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Il est hautement probable que les marchés actions tanguent durant quelques jours, mais soyons en sûrs : tout sera fait pour les maintenir à flot d’ici vendredi car il s’agira de finir le troisième trimestre si possible au plus haut.
Des plus hauts ont du reste été tutoyés à Wall Street vendredi, avec un Dow Jones qui a aligné une huitième séance de hausse d’affilée pour se rapprocher, à 0,5% près, de son record absolu de la fin juillet.
Ce record aurait sans doute pu être battu sans une sévère dégradation des marchés obligataires, une tension de +11 points du T-Bond 2029 rien que pour la journée de vendredi et qui se chiffre à +33 points sur la semaine écoulée.
De quoi, en temps « normal », provoquer une correction de 2 à 3% des indices américains. Sauf qu’au lieu de cela, ils ont pris entre 1 et 1,6%, ce qui témoigne d’une véritable schizophrénie des opérateurs. En effet, les gérants actions voient les banques centrales maintenir les indices boursiers en lévitation à coup de taux toujours plus bas, tandis que les gérants obligataires semblent commencer à douter de la capacité de la FED et de la BCE à mettre en œuvre tout ce qu’elles ont implicitement ou explicitement promis.
Et pour cause : ces dernières se devaient de promettre, les attentes de marché étant trop élevées pour pouvoir être déçues, mais elles ne peuvent « délivrer » car cela validerait des anticipations de récession les plus pessimistes et il ne leur resterait plus de munitions pour pouvoir agir lorsque les circonstances l’exigeront.
Deux importants sites de production pétrolière saoudiens pris pour cible
Il y avait donc matière à douter sérieusement d’une envolée vers de nouveaux sommets boursiers vendredi… et puis, il y a eu l’attaque coordonnée d’une dizaine de drones revendiquée par des Houthis yéménites contre deux installations stratégiques d’Aramco, le site d’Abqaiq, à 60 kilomètres au sud-ouest de Dahran (qui abrite la plus grande usine de traitement du pétrole d’Aramco) et celui de Khurais, à 250 kilomètres de Dahran.
C’est un euphémisme de qualifier cet épisode spectaculaire de coup de tonnerre sur le marché pétrolier. La production saoudienne se trouve en effet soudain réduite de plus de moitié, avec l’interruption de la production de 5,7 millions de barils de brut pour une durée indéterminée, qui pourrait aller de plusieurs jours à plusieurs semaines.
Le prince Abdelaziz ben Salmane – qui vient de remplacer le ministre du pétrole et ex-PDG d’Aramco Khaled Al Falih, limogé il y a moins d’une semaine – affirme qu’une partie du recul de la production sera compensée par les stocks contenus dans cinq gigantesques installations souterraines qui contiennent des dizaines de millions de barils. Aussi vastes soient-ils, cela ne permettra cependant pas d’équilibrer l’offre mondiale très longtemps.
Cette double attaque soulève de nombreuses interrogations. Comme l’ont souligné des responsables américains, l’ampleur et la précision des attaques de ce week-end, qui ont déjoué une des défenses anti-aériennes les plus sophistiquées au monde (radars, contre-mesures, surveillance satellite etc.), font douter d’une opération menée par les seuls rebelles Houthis. D’autant qu’ils ont utilisé des drones « bricolés » au Yémen, un pays sous embargo total en matière de livraisons d’armes et de composants à usage militaire.
Par ailleurs, comment le géant pétrolier Aramco, qui prépare son introduction en Bourse depuis des années, va-t-il pouvoir mener à bien sa privatisation partielle après une telle mésaventure ?
Autre question de taille : Riyad et Washington vont-ils maintenir leurs accusations de complicité à l’encontre de Téhéran, et si tel est le cas, comment éviter une escalade géopolitique et militaire dans le Golfe persique ?
Dans l’immédiat, ces attaques ont provoqué un bond de 16% du prix du baril de WTI dès la réouverture sur les marchés dérivés, jusque vers 63,45 $ (contre 54,8 $ vendredi soir à New York), avant une stabilisation autour des 61 $ – son zénith estival, sur lequel il a plafonné entre le 11 et le 15 juillet dernier – après une heure de cotation.
Plus largement, les marchés financiers vont probablement être soumis à un gros « coup de stress » car ils vont devoir digérer les événements saoudiens du week-end et intégrer une dégradation des marchés obligataires (en cinq séances) sans précédent cette année et totalement à contre-courant des indices boursiers (cinq séances de hausse).
Attachez vos ceintures !