Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
La séance de mercredi a peut-être constitué un tournant : alerte baissière sur le CAC40 qui clôturait en-deçà du support des 4 350 points à 17h35, et qui menaçait ensuite d’enfoncer le palier des 4 300 une heure plus tard (en transactions électroniques).
Mais les “sherpas” sont intervenus à Wall Street où les pertes s’accéléraient rapidement jusqu’à atteindre -2,5% en moyenne : au final, elles ne dépassaient pas -1,5% sur le Nasdaq et -2,15% sur le Dow Jones en clôture.
Et comme dans un scénario cousu de fil blanc, le CAC40 remontait au contact des 4 350 dès 22h… avant de retomber à 4 300 ce matin, histoire peut-être d’attirer les vendeurs, car 50 points dans des marchés aussi creux, cela se reprend en un clic de souris avec quelques dizaines de millions d’euros (des “pièces jaunes” à l’échelle d’un hedge fund ou d’un JP-Morgan (NYSE:JPM)) et un “algo funiculaire” standard.
Il aurait vraiment fallu que les vents contraires soufflent avec la puissance d’un cyclone en Mer de Chine pour que les “sherpas” laissent – à 48h de la séance des 3 sorcières – les indices boursiers américains enfoncer des supports comme 2 815 sur le S&P500 ou 23 000 sur le “Dow”.
D’un autre côté, tous les “suiveurs de tendance” et les centaines de milliers de néophytes entrés sur le marché depuis mi-mars sont tellement “bulls” aux Etats-Unis qu’il y a certainement un joli coup de Trafalgar bien rémunérateur à tenter en prenant le consensus à contre-pied.
Jerome Powell a bien failli faire tout basculer mercredi après-midi lors d’une téléconférence organisée par le “Peterson Institute for International Economics”.
Il a très vite dévoilé l’élément de langage clé que Wall Street redoutait : le recours aux taux négatifs n’est pas discuté ni envisagé par la FED qui souhaite s’en tenir aux instruments qui ont déjà fait leurs preuves et qu’elle continuera d’utiliser intégralement, et au maximum de leur capacité.
Reprise des hostilités entre la FED et Donald Trump
Le refus de recourir aux taux négatifs n’a pas plu à Donald trump qui a tweeté compulsivement tout l’après-midi: “I Feel Strongly We Should Have Negative Rates; Disagree With Fed Chair Powell On Negative Rates” (j’ai la forte conviction que nous devrions avoir des taux négatifs, je suis en désaccord avec Jerome Powell sur la question des taux négatifs”).
Wall Street qui pensait que la hache de guerre était enterrée et que le temps d’une étroite coopération entre la FED et la Maison Blanche était advenu doit donc déchanter.
Et même déchanter doublement puisque l’unanimité qui semblait régner entre les deux formations rivales du Congrès au cours des 4 premières semaines de “lockdown” vient également de voler en éclats. Les calculs politiciens refont surface et cela pourrait faire capoter le plan de 3 000 Mds$ de soutien proposé par les Démocrates, que Wall Street tenait pour acquis… mais auquel les Républicains s’opposeraient désormais, au nom d’une dangereuse dérive de l’endettement.
Donald Trump a pourtant martelé maintes fois que la dette était le cadet de ses soucis mais c’est bien lui qui a donné le coup d’envoi des hostilités en politisant le dossier chinois, puis en créant le buzz en affirmant qu’il détenait les preuves de l’implication d’Obama dans le « complot russe » visant à le destituer.
Le climat de coopération avec l’immunologiste Anthony Fauci semble également se dégrader brutalement : Trump passe outre les mises en garde du Dr Fauci et prône la réouverture immédiate des écoles aux Etats-Unis.
En début de soirée, une seconde riposte (ou provocation) des autorité sanitaires de Los Angeles perturbait Wall Street : non seulement les mesures de lockdown les plus strictes sont maintenues jusqu’à fin juin dans le Sud de la Californie mais leur levée d’ici mi-juillet n’est même plus d’actualité… plus aucune échéance n’est mentionnée dans le communiqué.
Autrement dit, Donald Trump peut faire une croix sur une reprise vigoureuse de l’activité dans l’Etat le plus peuplé du pays (et qui représente plus de 1/6ème de PIB américain).
Le scénario de la reprise en “V” relève donc plus que jamais d’un pur fantasme. L’investisseur Stanley Druckenmiller – et ex-collaborateur de Warren Buffet- déclarait mercredi que Wall Street offrait le pire ratio risk/reward (risque/espérance de gain) de sa carrière. Le milliardaire David Tepper affirme de son côté qu’il n’a jamais vu des marchés aussi surévalués depuis la bulle des “dot.com”.