Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Semaine écourtée, volumes faibles, marchés moutonniers… Autant de facteurs qui expliquent en partie cette entame d’année 2019 pour le moins animée et qui selon l’indice considéré s’avère la plus volatile depuis 18 ans… voire depuis 1932 !
À une rafale de mauvaises nouvelles conjoncturelles mercredi et jeudi (ISM manufacturier décevant aux Etats-Unis, ralentissement conjoncturel chinois, Donald Trump qui anticipe un « shutdown » de plusieurs mois) a succédé un vent d’euphorie qui a propulsé le CAC40 bien au-delà des 4 700 points. Les indices américains se sont, eux, littéralement enflammés, affichant des écarts allant de +3,5% (S&P500) à +4,25% (Nasdaq-Composite) et même +4,5% (Nasdaq100).
Comme je l’anticipais dans ma vidéo de jeudi, et alors que le VIX, l’indicateur de volatilité du marché américain, flirtait avec la « zone du chaos » (c’est-à-dire la résistance des 26), la FED a profité de sa première conférence de presse de l’année pour entonner le chant céleste de la souplesse en matière de réduction de son bilan et de pragmatisme bienveillant en matière de conjoncture économique.
Jerome Powell a ainsi déclaré être « très attentif aux chiffres qui paraissent » et a souligné que « le rythme des cessions d’actifs de la FED (pouvait) être adapté aux conditions de marché ». Et de faire savoir « qu’aucune rencontre n’est prévue avec Donald Trump », et qu’il « ne (démissionnerait) pas si le président le demandait ».
Ce vol de colombes (Jerome Powell était assisté et soutenu par ses 2 prédécesseurs, Janet Yellen et Ben Bernanke) a qui plus est traversé le ciel de Wall Street une heure seulement après la publication de chiffres mensuels de l’emploi américain tonitruants. Selon les statistiques officielles, les Etats-Unis ont en effet créé 312 000 postes non-agricoles le mois dernier, soit un score supérieur de plus de 70% à l’estimation moyenne des économistes (qui tournait autour de +180 000 postes non agricoles) !
Une hausse de 0,2 point du taux de chômage passée sous silence
Wall Street a manifestement pris cette statistique pour argent comptant et l’a interprétée sans nuance, considérant qu’elle devait probablement compenser les piètres chiffres dévoilés les deux mois précédents. Quand il s’agit de courir après un rebond galopant des indices américains, on n’a pas le temps de se montrer trop regardant !
Quant à la remontée paradoxale du taux de chômage de 3,7 à 3,9%, elle a été justifiée par le fait que de nombreux américains – pressentant bien sûr un avenir radieux – se réinscrivent sur les listes de demandeurs d’emplois.
Le salaire horaire a de son côté augmenté de 0,1$ à 27,48$ et la progression du coût du travail a atteint 3,2% en rythme annuel le mois dernier, après +3,1% en novembre. Juste assez pour justifier la dernière hausse de taux de la FED tant contestée par Donald Trump.
Ce même président américain s’est évidemment gargarisé des 312 000 emplois créés en décembre, dont un nombre record dans le secteur manufacturier, ce qu’aucun économiste n’avait vu venir… Une surprise logique puisque cette accélération s’est inscrite à contre-courant de la forte dégradation du PMI manufacturier américain annoncée en milieu de semaine dernière.
Reste un gros caillou dans la chaussure du successeur de Barack Obama, ce « shutdown » qui paralyse les initiatives, d’autant que le locataire de la Maison-Blanche refuse de céder sur le financement du mur à la frontière avec le Mexique et se dit prêt à ce que le blocage dure des semaines voire des mois.
Autrement dit, les entreprises américaines pourraient bien avoir embauché à tour de bras en décembre, tout en réduisant leurs achats dans l’anticipation d’un ralentissement économique aggravé par le blocage des administrations (celles qui délivrent les permis de construire, qui enregistrent les hypothèques, qui délivrent les autorisations de mise sur le marché des produits, etc.).
Une contradiction aussi flagrante aurait dû questionner les investisseurs vendredi, mais l’annonce de la reprise des négociations commerciales avec la Chine (pour quels résultats concrets ?) a balayé toute forme de raisonnement rationnel, d’où la flambée de +4,5% du Nasdaq-100 vendredi.
Comme un véhicule qui vient de crever un pneu à grande vitesse, les embardées indicielles s’accroissent inexorablement, avant une sortie de route très probable… Et qui compte tenu de la volatilité, en progression constante depuis trois mois, nous apparaît de plus en plus imminente…