La Banque centrale européenne (BCE) a maintenu jeudi son principal taux directeur à son niveau historique de 1%, tout en livrant des prévisions nettement plus sombres pour l'économie de la zone euro, appelée à rester en récession pendant deux ans.
Le conseil des gouverneurs, qui s'est réuni jeudi au siège de Francfort (ouest de l'Allemagne) a comme prévu opté pour un statu quo sur les taux directeurs.
La dernière baisse remontait à mai et la BCE avait fait comprendre qu'elle comptait faire une pause en juin.
"Les taux actuels sont appropriés", a jugé le président de la BCE Jean-Claude Trichet lors d'une conférence de presse. Pour autant, le conseil n'a pas décidé qu'ils avaient atteint un plancher, a-t-il redit. La porte reste donc ouverte à une nouvelle réduction, si les conditions économiques se dégradaient brutalement ou si la déflation devenait une menace tangible.
Depuis octobre, le principal taux, qui détermine les conditions du crédit en zone euro, est tombé de 4,25% à 1%.
Ces diminutions de taux, qui permettent aux banques de se refinancer à très bon marché, conjuguées au lancement d'un programme d'achat d'obligations, doivent encourager la reprise d'une activité de crédit et apporter une bouffée d'oxygène à l'économie, qui en a bien besoin.
Cette année, le Produit intérieur brut va sans doute se contracter de 4,6% en moyenne, a indiqué le Français, qui dévoilait les nouvelles prévisions trimestrielles de l'institution. Il y a trois mois, elle pariait encore sur une récession de "seulement" -2,7%. L'an prochain aussi, le PIB va se contracter, de 0,3% en moyenne, contre une stagnation encore envisagée en mars.
Le retour à un taux de croissance trimestrielle positif n'aura pas lieu avant la mi-2010, a-t-il prévenu. Les prévisions d'inflation sont restées de leur côté quasiment inchangées (+0,3% en 2009, +1% en 2010).
"Comme la politique monétaire agit avec un délai, notre action va progressivement se transmettre à l'économie", a-t-il expliqué.
Semblant répondre aux inquiétudes exprimées par la chancelière allemande Angela Merkel, il a ajouté que la BCE ferait "en sorte que les mesures prises soient rapidement levées et les liquidités apportées soient absorbées", dès que les conditions économiques se seront améliorées, pour éviter tout risque de surchauffe inflationniste.
Le plus important est d'avoir "une stratégie de sortie appropriée", a souligné M. Trichet.
Mme Merkel a surpris mardi en critiquant ouvertement les mesures dites "non conventionnelles" prises par la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d'Angleterre (BoE) qui ont lancé des programmes massifs d'achats d'obligations pour relancer la machine économique.
Ben Bernanke, président de la Fed, a fait savoir mercredi qu'il se trouvait "en désaccord respectueux" avec la chancelière.
La Fed veut acquérir un total de 300 milliards de dollars, la BOE 125 milliards de livres. Plus modestement, la BCE va acheter 60 milliards d'euros d'obligations "sécurisées" (adossées notamment par des crédits hypothécaires et jugées sûres) de juillet à fin juin 2010, a précisé M. Trichet.
La chef du gouvernement allemand a plus d'une fois défendu la BCE face aux tentatives de certains pays, notamment la France, de réduire son indépendance en matière de politique monétaire.
Pourtant elle n'a pas épargné l'institution européenne mardi, jugeant qu'elle avait cédé à la pression d'imiter ses grandes homologues mondiales.
Un coup de téléphone avec Angela Merkel mercredi a rassuré le président de la BCE. Elle a réaffirmé qu'elle "respectait pleinement l'indépendance de la BCE et qu'elle soutenait pleinement ce que nous faisons", s'est félicité le Français.