par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Les avocats du maire Les Républicains de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Patrick Balkany, ont tenté mercredi de lui éviter la prison, au terme d'un mois de procès pour corruption passive et blanchiment de fraude fiscale.
Le ministère public a requis le 13 juin sept ans de prison ferme contre cet ami de l'ancien président Nicolas Sarkozy, ce qui s'ajoute à quatre ans de prison demandés le 16 mai au terme d'un premier procès pour fraude fiscale.
Eric Dupond-Moretti a dénoncé la "violence judiciaire" de procureurs "porte-parole de la morale publique", à qui il a reproché d'avoir requis un cumul de peines supérieur au maximum de dix ans prévu pour ce type d'infractions et un mandat de dépôt synonyme de détention dès le jugement prononcé.
"On est chez les fous. C'est d'une férocité insupportable", a-t-il tonné dans une salle d'audience bondée, après avoir rappelé que nombre de crimes de sang étaient moins sanctionnés.
"Le mandat de dépôt n'a de sens que parce que c'est une humiliation" et un moyen de "contourner les voies de recours" et d'envoyer "au trou" Patrick Balkany, âgé de 70 ans, a-il ajouté.
Il a aussi jugé son client victime de l'acharnement d'une presse "collaborateur zélé du parquet national financier" (PNF), et des "fantasmes" entourant sa personne.
"Il est l'ami intime de Nicolas Sarkozy. Ça pèse dans les esprits. Personne n'en dit rien mais tout le monde le pense", a-t-il ainsi estimé, avant de demander "un peu d'humanité".
Son associé, Me Antoine Vey, avait auparavant demandé au tribunal de juger leur client "avec mesure".
SOCIÉTÉS-ÉCRANS
Le ministère public a également requis quatre ans de prison avec sursis contre l'épouse de Patrick Balkany, Isabelle, 71 ans, ce qui s'ajoute aux quatre ans dont deux avec sursis demandés le 16 mai à son encontre.
Tous deux sont accusés d'avoir constitué frauduleusement et dissimulé, notamment aux Antilles et au Maroc, un important patrimoine immobilier dont le PNF a demandé la confiscation.
L'avocat de l'Etat, partie civile, qui demande un million d'euros de dommages et intérêts, avait résumé ce qui leur est reproché en trois chiffres : 30 ans de fraude fiscale "répétée et continue", 11 sociétés-écrans dans des paradis fiscaux et 13 millions d'euros blanchis de 2007 à 2014.
Un chiffre contesté par les Balkany et leurs avocats, qui admettent certes que leurs clients ont fraudé mais pas dans les proportions qui leur sont reprochées, et assurent qu'ils n'ont pas détourné d'argent public.
Le couple nie aussi être propriétaire d'une villa somptueuse à Marrakech, qui a été au coeur des débats. Patrick Balkany dit l'avoir acquise en 2010 pour le compte d'un homme d'affaires saoudien, Mohamed Al-Jaber, qui avait à l'époque un projet immobilier à Levallois-Perret.
Une version démentie par le milliardaire. Selon le Parquet national financier, qui a requis contre ce dernier quatre ans de prison dont deux avec sursis pour corruption active, il a néanmoins financé une partie de l'acquisition du riad de Marrakech.
Les procureurs ont aussi requis trois ans de prison dont un avec sursis contre un collaborateur de Patrick Balkany, Jean-Pierre Aubry, ex-directeur d'une société d'économie mixte de Levallois-Perret et selon eux "prête-nom jusqu'au sacrifice".
FIN DE RÈGNE ?
Pour l'avocat Arnaud Claude, accusé d'avoir joué un rôle clef dans le montage qui a permis l'acquisition de la villa de Marrakech et apporté son concours à une opération de corruption, ils ont demandé quatre ans de prison, dont deux avec sursis.
L'avocat d'Isabelle Balkany, absente des deux procès après une tentative de suicide le 1er mai, a plaidé la clémence lundi. Ceux de Jean-Pierre Aubry, Arnaud Claude et Mohamed Al-Jaber ont demandé la relaxe pour leurs clients.
Tout comme celui d'Alexandre Balkany, fils de Patrick et Isabelle Balkany, soupçonné d'avoir signé des baux fictifs pour la villa de Marrakech et seul prévenu pour qui le PNF a demandé l’indulgence - mais également une amende de 100.000 euros.
Patrick Balkany a déclaré mercredi regretter de voir son fils dans un tribunal où "il n'a rien à faire" avant d'ajouter : "Je n'aspire qu'à une chose, rester auprès de ma femme."
Le jugement a été mis en délibéré au 18 octobre. Celui du premier procès doit être rendu le 13 septembre. Théoriquement, s'il est condamné, les deux peines peuvent être confondues.
Les Balkany, qui règnent sur Levallois-Perret depuis 1983, n'ont été à ce jour condamné qu'une fois, en 1996, à 15 mois de prison avec sursis pour "prise illégale d'intérêt. Ils utilisaient à leur seul service trois "employés municipaux".
Mais on ne compte plus les enquêtes les visant, dont plusieurs en cours, sur des soupçons de malversations, et les rapports dénonçant l'opacité et les irrégularités de la gestion par ce couple d'une des villes les plus endettées de France et d'une nébuleuse d'associations et entreprises publiques locales.
(Edité par Danielle Rouquié)