par Gilbert Reilhac
STRASBOURG (Reuters) - Le Comité de prévention de la torture (CPT), un organe du Conseil de l’Europe chargé de superviser les lieux de détention, s’inquiète dans un rapport publié vendredi de l’absence d’évolution des prisons françaises du point de vue de la surpopulation.
Les experts des 47 Etats membres, rendant compte d’une inspection menée en novembre 2015 en France, portent le même jugement sur les conditions matérielles dans les cellules de la police et dans certains établissements pénitentiaires.
"Plusieurs recommandations importantes (que nous avons) formulées de longue date n’ont toujours pas été mises en oeuvre", expliquent-ils.
"Les mauvaises conditions de détention en prison, notamment dans les maisons d’arrêt de Fresnes et de Nîmes, associées à la surpopulation et au manque d’activités, pourraient être considérées comme un traitement inhumain et dégradant", ajoutent-ils.
Le CPT reconnaît "une très grande disparité dans les conditions matérielles rencontrées", qualifiant de "très bonnes" celles qu’il a rencontrées au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne) qu’il a visité.
Toutefois, dans les maisons d’arrêt de Fresnes, dans le Val-de-Marne, et de Nîmes (Gard), "la plupart des détenus étaient hébergés à deux voire trois dans des cellules de 9 ou 10 m² (annexes sanitaires incluses) initialement conçues pour une personne".
Le rapport fait état de détenus dormant à même le sol, d’humidité, de moisissures, d’odeurs nauséabondes mais aussi de rats et, à Fresnes, de punaises de lit et de cafards.
La description de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) est celle d’un établissement échappant partiellement au contrôle de l’administration: détenus circulant seuls et "sans raison légitimes" entre les différents quartiers ou bâtiments, cas avérés de corruption de surveillants, détenus consommant des produits stupéfiants en présence ou à proximité du personnel.
DES TAUX D'OCCUPATION SUPÉRIEURS À 200%
"Malgré l’accroissement de 9.000 places en 15 ans, les établissements pénitentiaires français connaissent une surpopulation endémique. Au cours des 20 dernières années, la population carcérale s’est en effet accrue de plus de 11.000 personnes", souligne le rapport.
En baisse par rapport à 2014, elle s’établissait au moment de la visite à 66.198 détenus, soit un taux de 114 détenus pour 100 places. Elle est remontée depuis pour atteindre 68.432 personnes incarcérées au 1er janvier 2017 pour 58.681 places, soit plus de 117 détenus pour 100 places.
"56 établissements avaient un taux d’occupation de 140%", avec huit taux approchant ou dépassant les 200%, précise le CPT qui "salue" la "transparence" du ministère de la Justice pour la publication de statistiques mensuelles sur le sujet.
Les experts européens s’émeuvent par ailleurs du "nombre non négligeable d’allégations d’insultes, notamment à caractère raciste ou homophobe" dont se rendraient coupables des membres des forces de l’ordre durant les garde à vue, mais aussi des surveillants, notamment à Fresnes.
Ils portent, à l’instar du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, un regard critique sur les unités pour détenus radicalisés, dont le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a annoncé l’abandon en octobre.
"Le risque d’embrigadement et de radicalisation n’est, en principe, pas supérieur dans les lieux de privation de liberté que dans le monde libre, dans la mesure où la détention se déroule dans des conditions dignes et que des activités constructives et motivantes (...) sont offertes."
"A l’inverse, des conditions de détention inadéquates et une surpopulation carcérale peuvent constituer des facteurs accroissant le risque de radicalisation au même titre que le recours à des mesures disproportionnées, notamment s’agissant du recours à la force ou aux sanctions disciplinaires", disent-ils.
A Fresnes, les détenus rencontrés par le CPT dans l’unité pour la prévention du prosélytisme ne bénéficiaient d’aucune "prise en charge particulière, notamment en matière d’activités ou de soutien psychologique".
(édité par Jean-Baptiste Vey et Henri-Pierre André)