Le gouvernement a annoncé vouloir geler le taux actuel du Livret A à 0,75% pendant au moins un an, au risque de susciter la grogne des épargnants, alors que la fiscalité sur l'assurance vie et le PEL va être accrue.
"L'épargne réglementée et sans risque est la mal-aimée du gouvernement, car ça coûte un peu d'argent à l'Etat et parce qu'il estime que les bons pères de famille doivent placer leur argent auprès des entreprises", déplore François Carlier, délégué général de l'association de consommateurs CLCV, qui dénonce un "signal punitif".
"C'est une logique que nous ne partageons pas car ce placement très répandu parmi les Français, un peu sécurisé et qui apporte un financement stable aux logements sociaux, est quelque chose qui a fait ses preuves", ajoute-t-il.
Deux jours après l'annonce d'un impôt forfaitaire de 30% dès la première année sur les intérêts des plans épargne-logement (PEL) ouverts à partir du 1er janvier 2018 et sur les encours d'assurance-vie supérieurs à 150.000 euros, le projet de gel du taux du livret A apparaît comme une nouvelle offensive contre l'épargne des Français.
Le gouvernement envisage en effet de "garantir le maintien" du taux du livret A à son taux actuel de 0,75% pendant un ou deux ans, car "logiquement il devrait être plus bas", déclarait mardi soir le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner.
- "Jeu de bonneteau" -
Le Premier ministre Edouard Philippe parle, lui, de "stabiliser" le taux du Livret A afin de "mobiliser des financements" pour les organismes de logement social "et donc de baisser les loyers" pour ce type de logements.
Cette baisse des loyers est censée compenser la réduction des aides personnelles au logements (APL) pour les locataires du parc HLM - qui pourrait atteindre 50 à 60 euros - envisagée par le gouvernement.
"On fait payer aux épargnants la baisse des loyers imposée aux bailleurs sociaux, c'est un jeu de bonneteau que le gouvernement organise avec les APL", rétorque à l'AFP Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne.
Concrètement, l'argent placé sur le Livret A sert notamment à financer la construction de logements HLM, sous forme de prêts à taux préférentiels consentis aux bailleurs sociaux. Le taux de ces prêts dépend du taux du Livret A: plus ce dernier est bas, plus le crédit est bon marché.
L'évolution de la rémunération du Livret A, révisée tous les six mois, est censée s'aligner sur celle de l'inflation hors tabac et des taux sur le marché monétaire. Sa formule de calcul a été modifiée cet été afin d'empêcher des variations trop brutales.
- Réorientation de l'épargne -
Sauf que le gouvernement a décidé fin juillet - dans une optique de "stabilité - de maintenir le taux à 0,75%, son plus bas niveau historique, se refusant à suivre la formule de calcul qui aurait dû le faire remonter à 1%.
"Le livret A était jusqu'à maintenant sacralisé. (Le gouvernement) n'a pas respecté l'application de la formule pour sa première application, on touche maintenant au taux. Il y a une vraie volonté d'inciter les Français à consommer davantage et de réorienter l'épargne" vers le financement de l'économie réelle, souligne Philippe Crevel.
Les tentatives de réorientation de l'épargne vers des placements plus risqués et le financement des entreprises ne sont guère nouvelles. Sous la présidence Hollande, cette ligne a été largement suivie, dans l'espoir de dynamiser l'activité.
Pas sûr toutefois que les épargnants, qui deviennent perdants lorsque le niveau de l'inflation dépasse le taux du livret A, ne l'entendent de cette oreille.
En avril, l'ancien gouvernement anticipait une inflation toujours supérieure à au moins 1,1% d'ici à 2020. La Banque de France table pour sa part sur une inflation à 1,2% en 2018 et à 1,4% en 2019.
"Les épargnants n'ont rien à gagner à un gel de la rémunération de leur épargne, et il en va de même pour le livret A", fustige auprès de l'AFP Gérard Bekerman, le président de l'Association française d'épargne et de retraite.