PARIS (Reuters) - Le Conseil d'Etat a sommé jeudi le gouvernement français de présenter dans les trois mois des éléments permettant de justifier que sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pourra être respectée à l'horizon 2030.
Cette décision, qualifiée d'"historique" par Greenpeace, est la réponse à un recours déposé auprès du plus haut tribunal administratif français par la commune de Grande-Synthe, dans le Nord, à la suite du refus du gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l'accord de Paris sur le climat. C'est la première fois que le Conseil d'Etat se prononce sur un dossier lié au climat.
"La haute juridiction juge d’abord que la requête de la commune, commune littorale particulièrement exposée aux effets du changement climatique, est recevable", a précisé le Conseil d'Etat.
"Sur le fond, le Conseil d'État relève que si la France s'est engagée à réduire ses émissions de 40% d'ici à 2030, elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d'émissions qu’elle s'était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020", et notamment après 2023.
"Avant de statuer définitivement sur la requête, le Conseil d'État demande donc aujourd'hui au gouvernement de justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030", a ajouté le tribunal.
"Si les justifications apportées par le gouvernement ne sont pas suffisantes, le Conseil d'État pourra alors faire droit à la requête de la commune et annuler le refus de prendre des mesures supplémentaires permettant de respecter la trajectoire prévue pour atteindre l’objectif de –40 % à horizon 2030."
Le recours de Grande-Synthe avait été déposé en janvier 2019 par le maire EELV de la commune à l'époque, Damien Carême, qui s'est félicité sur Twitter (NYSE:TWTR) de cette "première historique". "Finies les postures. Nos objectifs climatiques doivent se traduire en actes, maintenant. Chaque jour compte", ajoute-t-il.
"AUJOURD'HUI, C'EST À L’ÉTAT DE PROUVER QU'IL EST À LA HAUTEUR"
Plusieurs autres villes comme Paris et Grenoble ainsi que les quatre organisations de "l’Affaire du Siècle" (Notre Affaire à Tous, Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France) s'étaient associées à ce recours.
Pour ces quatre organisations, "la décision du Conseil d'État rebat les cartes de la politique climatique de la France".
"En affirmant le caractère contraignant des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre contenus dans la loi, la plus haute juridiction administrative met l'État face à ses responsabilités dans la crise climatique", ont-elles dit dans un communiqué.
"C'est une véritable révolution en droit : les lois programmatiques sur le climat ont jusqu'ici été considérées par les gouvernements et parlements successifs comme de vagues promesses. Elles font désormais peser sur l'État une obligation de résultat, et l'engagent à mettre en oeuvre des mesures concrètes et efficaces pour atteindre ces objectifs."
Dans un communiqué, la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, a salué une "nouvelle avancée majeure pour la lutte contre le réchauffement climatique".
"Le dialogue entre les juges et les villes doit continuer et permettre de rappeler aux Etats leurs engagements en faveur de la réduction des gaz à effets de serre. Il y a urgence à agir", ajoute-t-elle.
"Hier, la société devait prouver que l’Etat ne tenait pas ses engagements climatiques, affichés dans la loi. Aujourd'hui, c'est à l’État de prouver qu'il est à la hauteur", a commenté pour sa part Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble.
(Jean-Stéphane Brosse, édité par Henri-Pierre André)