En pleine tourmente face à de graves accusations de corruption, le président brésilien Michel Temer est visé par une enquête ouverte jeudi par la Cour Suprême, tandis que se multiplient les appels à sa démission.
Selon le journal O Globo, le chef de l'Etat a été enregistré par un chef d'entreprise en train de donner son accord pour le versement de pots-de-vin afin d'acheter le silence d'Eduardo Cunha, ancien patron de la chambre des députés, aujourd'hui en prison pour son implication dans le méga-scandale de corruption Petrobras.
Ces révélations ont fait l'effet d'une bombe mercredi soir, quand elles ont été publiées sur le site du quotidien.
De nombreux partis d'opposition ont aussitôt demandé la démission du président conservateur et des dizaines de manifestants défilaient dans la rue aux cris de "Temer dehors".
Les marchés ont très mal réagi jeudi matin: la Bourse a été suspendue après une chute de plus de 10% du principal indice brésilien et de quasiment 6% du réal. À la réouverture des marchés, environ une demi-heure plus tard, la Bourse cédait 8,7%, dans ce pays frappé par une récession historique.
Le président va s'exprimer devant la Nation à 16h00 (19h00) et de nombreux observateurs indiquent qu'il pourrait effectivement présenter sa démission.
L'agence d'État Agencia Brasil a annoncé en début d'après-midi que le juge de la Cour suprême Edson Fachin "a décidé d'ouvrir une enquête contre le président Micher Temer", basée sur ces révélations.
- Un allié-clé en pleine disgrâce -
À Brasilia, les réunions à portes closes se multipliaient jeudi au Congrès, avec de fortes rumeurs de divisions au sein de la base parlementaire du gouvernement.
"La démission est le chemin le plus facile pour résoudre ce problème, mais la décision revient exclusivement au président de la République", a affirmé à des journalistes Ana Amélia, sénatrice du PP (centre-droit) qui se définit comme "indépendante" même si sa formation fait partie de cette base parlementaire.
O Globo révèle que M. Temer a rencontré le 7 mars Joesley Batista, un des propriétaires du groupe J&F, qui contrôle notamment le géant de la viande JBS.
M. Batista s'est enregistré secrètement alors qu'il expliquait au chef de l'Etat qu'il versait des sommes d'argent à Eduardo Cunha pour acheter son silence.
"Tu dois maintenir ça (les pots-de-vin)", a alors répondu le président Temer, sans savoir qu'il était en train d'être piégé par l'enregistrement de son interlocuteur.
L'onde de choc a aussi atteint un allié politique clé de M. Temer, l'influent sénateur Aécio Neves, président du PSDB (droite), principale formation associée au parti PMDB du chef de l'Etat, et candidat malheureux de la dernière présidentielle.
- Frank Underwood brésilien -
O Globo révèle que Joesley Batista a aussi remis aux autorités un autre enregistrement compromettant, dans lequel M. Neves aurait demandé 2 millions de réais (environ 570.000 euros) de pots-de-vins.
Les perquisition de jeudi matin ont ciblé plusieurs propriétés du sénateur, dont le mandat a été suspendu par la Cour Suprême. Selon les médias brésiliens, le procureur général a demandé son arrestation, alors que sa sœur a déjà été interpellée à Belo Horizonte.
En 2014, M. Neves a perdu de justesse au second tour face à Dilma Rousseff, réélue avant d'être destituée en août 2016 pour maquillage des comptes publics.
Dauphine de l'icône de la gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), lui-même visé par cinq procédures judiciaires dans le cadre du scandale Petrobras, Mme Rousseff a été remplacée, jusqu'à la fin du mandat fin 2018, par Michel Temer, qui était son vice-président et s'est depuis lancé dans une série de réformes d'austérité.
Les militants de gauche l'accusent d'avoir orchestré un "coup d'État", notamment avec Eduardo Cunha, pour prendre le pouvoir.C'est justement l'ancien chef des députés, parfois comparé à Frank Underwood, héros manipulateur de la série américaine "House of Cards", qui risque de le précipiter indirectement dans sa chute.