Après trois années de croissance insolente, le marché des machines agricoles devrait retrouver des niveaux plus "raisonnables" face à l'effondrement des cours des céréales qui réduit les capacités d'investissements des agriculteurs.
Depuis 2010, les céréaliers disposaient de larges capacités d'investissements grâce à la flambée des cours sur les marchés agricoles.
Résultat: entre 2010 et 2013, les ventes dans le secteur ont progressé de plus de 30% pour atteindre l'an dernier en France le chiffre d'affaires record de 5,4 milliards d'euros, et 8,5 milliards en comptant les ventes d'occasions.
La performance était alors saluée de tous, à commencer par le gouvernement, ravi de souligner la bonne santé d'une industrie française, face au déclin de l'automobile. Encore plus lorsque le japonais Kubota (TOKYO:6326) a annoncé en décembre dernier qu'il avait choisi de s'implanter dans le Nord pour construire sa nouvelle gamme de tracteurs grandes cultures.
Il rejoignait ainsi des grands noms comme les américains John Deere (NYSE:DE), Massey Ferguson (groupe Agco (NYSE:AGCO)) ou l'allemand Claas qui avaient aussi investir dans la première puissance agricole d'Europe.
Mais aujourd'hui, face à des récoltes abondantes et des cours de matières premières agricoles qui s'effondrent, le marché devrait baisser "probablement", a expliqué Raphaël Lucchesi, président du syndicat national des entreprises de services et distribution du machinisme agricole (Sedima) lors d'une conférence de presse.
Mais pour lui, pas de crise en vue, le secteur va juste "revenir à des niveaux raisonnables, des choses plus justes".
"Quand les récoltes et les cours sont bons, les agriculteurs investissent (...). Aujourd'hui, ils ne sont pas forcément pessimistes mais ils ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés", poursuit Patrick Perard, président de l'Union des industriels de l'agroéquipement (Axema).
- Mais les recrutements continuent -
Selon une étude réalisée par les professionnels en septembre/octobre auprès d'un tiers des dirigeants du secteur, 44% des industriels redoutent néanmoins une baisse de leurs chiffres d'affaires en 2015. Et 7% prévoient même une chute de leurs ventes de plus de 15% en France; mais seulement 3% anticipent une baisse similaire à l'export.
Côté distributeurs, 52% s'attendent aussi à un repli de leurs commandes en 2015.
Malgré ces sombres prévisions, les syndicats de professionnels ne sont pas alarmistes. D'abord parce qu'une enquête de la Commission européenne menée en 2013 et publiée seulement à la rentrée, montre que 67% des agriculteurs français comptent investir entre 2014 et 2020, 76% des agriculteurs allemands, 62% des Polonais et 57% des Espagnols. En revanche, seulement 28% des exploitants italiens.
En France, les revenus des céréaliers risquent certes de chuter fortement quand ceux des éleveurs bovins sont déjà au plus bas; mais certaines filières devraient mieux se porter, à commencer par la viticulture. La fin des quotas laitiers en avril 2015 pourrait également conduire à de nouveaux investissements.
Et puis, les marchés étrangers pourraient apporter d'importants relais de croissance. Comme cette PME française, Gregoire, qui a vendu l'an dernier à Chine la première machine à vendanger du pays.
Signe que le secteur n'est d'ailleurs pas si inquiet: 56% des industriels et 45% des distributeurs comptent recruter en 2015.
Le machinisme agricole, peu connu du grand public, n'attire pas beaucoup les jeunes et les professionnels veulent dépoussiérer leur image en expliquant le haut niveau de technologie des tracteurs aujourd'hui.
De nombreux métiers sont en tension à commencer par les commerciaux ou les techniciens pour assurer le service après-vente à l'étranger avec compétences linguistiques requises.