Il se garde de temps un temps un cochon et mange les salades et les pommes de terre que lui offre son voisin: Jean-Jacques Louboutin, 37 ans, éleveur de porcs dans le Finistère va bientôt mettre la clé sous la porte de l'exploitation familiale, après cinq années dans le rouge.
"Un agriculteur ne va jamais mourir de faim, mais on ne peut pas non plus vivre d'amour et d'eau fraîche toute sa vie", assure l'éleveur avec humour, lors d'un entretien avec l'AFP sur son exploitation, à Locronan, une petite cité de caractère au nord-ouest de Quimper.
En début d'année, son exploitation, qui compte 130 hectares de terres destinées à l’épandage de lisier et à la culture du blé, du maïs et du colza, ainsi que 300 truies, a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Quimper.
"Mes cinq derniers bilans ont été négatifs, à moins 200.000 euros chaque année, pour un chiffre d'affaires de 900.000 euros", explique l'agriculteur aux cheveux coupés courts, qui porte des petites lunettes rectangulaires. Pourquoi? Un prix du porc "trop bas" et un prix de l'aliment "trop élevé".
Ce Breton a pris la tête de l'exploitation familiale en 2007, après l'avoir rachetée à ses parents pour 960.000 euros, alors qu'elle était déjà endettée à près de 80%. "J'avais ça dans le sang, c'est une passion, ça ne s'explique pas", se justifie-t-il, reconnaissant ne pas avoir écouté les mises en garde de sa mère.
Né en 1979 à Quimper, Jean-Jacques Louboutin a grandi dans la ferme familiale. A onze ans déjà, il assure à son père qu'il veut un jour reprendre l'affaire. "A l'époque, si on travaillait sérieusement, on pouvait gagner sa vie", dit-il. "Ce n'est plus le cas aujourd'hui".
Après un BTS agricole, le jeune finistérien part effectuer son service militaire, puis s'engage dans la gendarmerie, son père n'ayant pas besoin de lui dans l'immédiat. Ce n'est qu'en 2003 qu'il revient travailler sur l'exploitation, avant de la reprendre, un an avant la naissance de sa fille.
- "être fou pour poursuivre" -
Depuis peu, il est séparé de la mère de son enfant. "Elle ne comprenait pas les contraintes du métier", explique la mère de l'agriculteur, Annie Louboutin, qui s'est lancée dans le métier avec son mari en 1970.
Malgré la présence de deux salariés sur l'exploitation, Jean-Jacques Louboutin assure travailler une centaine d'heures par semaine, pour un salaire compris entre 350 et 500 euros par mois.
"En sept ans, j'ai quasiment toujours travaillé en dessous du coût de revient", indique-t-il. Il en veut principalement à la grande distribution, qui "s'en met plein les poches et est en train de nous tuer".
"Un jambon acheté à l'abattoir par la grande distribution à 7,40 euros le kilo est vendu 17 euros le kilo au public", dénonce-t-il, mettant en cause les marges arrière, ces ristournes déguisées que les distributeurs demandent au titre d'une coopération commerciale.
Quant au prix préconisé par le gouvernement de 1,40 euro le kilo, l'éleveur se dit sceptique. "Il faudrait un prix de 2 euros le kilo pendant trois ans pour que je récupère toutes les années de perte", assure-t-il. Il vient de commencer à chercher du travail, idéalement dans le secteur commercial.
Une soixantaine de truies empruntent sous un généreux soleil breton le long couloir extérieur qui les conduit directement dans un camion. Elles quittent l'exploitation devant le regard ému de l'éleveur, après une décision en ce sens du tribunal de commerce. "Je suis en train de licencier mes ouvrières... ça fait mal au cœur, mais économiquement parlant il faudrait être fou pour poursuivre".